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☆ Un Etat comme la France peut-il « faire faillite » (1/2) ?

Dans l’actualité: Les débats sur la dette des Etats occupent une grande partie de l’espace médiatique depuis le déclenchement de la crise économique suite aux subprimes. La semaine dernière le président François Hollande est intervenu une nouvelle fois à propos de la dette, évoquant le spectre d’une « faillite » de l’Etat Français. Un Etat peut-il vraiment « faire faillite » ?

 

 

 

Une question sémantique

Si l’on prend la définition proposée par l’antenne du CNRS ici, la faillite est l’« état du commerçant qui a cessé ses paiements et dont la cessation des paiements a été constatée par un jugement du tribunal de commerce ». D’après cette définition, le mot faillite est synonyme de « cessation de paiement » mais ne s’applique que pour décrire une situation auquel un commerçant ferait face (de manière similaire à d’autres définitions comme celle du dictionnaire Larousse par exemple). Il semble donc à première vue incorrect de parler de « faillite » pour un Etat, bien que l’on comprend qu’un Etat cessant ses paiements à ses créanciers pourrait symboliquement être qualifié d’ « Etat en faillite », comme le font souvent les médias sans que l’on puisse assurément le leur repprocher donc (voir le journal Le Figaro ici par exemple ou Le Monde ici).

 

Si l’on considère maintenant la définition juridique de la faillite, celle-ci est une « procédure organisée par la loi » suite à un constat organisé par un tribunal. Souvent cette procédure est une liquidation, où par définition tous les biens possédés par l’entité concernée sont revendus afin d’obtenir de l’argent liquide pour rembourser les créanciers auxquels l’entité doit de l’argent. Les Etats fixant eux-mêmes leurs lois, il va de soi qu’une faillite au sens juridique du terme n’a pas de sens pour un Etat. Dit simplement, on ne peut mettre un Etat en liquidation car aucune entité n’est au-dessus de l’Etat. Egalement, lorsqu’une entreprise est mise en faillite, elle disparait généralement et tous ses biens sont revendus. Cela ne peut s’appliquer à un Etat: un Etat ne disparait pas du fait de sa cessation de paiement et décide lui-même de la liquidation de ses biens en fonction de ses intérêts (ce sur quoi nous reviendrons dans un prochain éclairage).

 

En résumé le mot « faillite » pour un Etat n’est pas sémantiquement approprié, mais il est tout de même souvent employé ou bien par ignorance ou bien de manière symbolique (métaphore) pour décrire un état de cessation de paiement. Que cela soit par les médias ou par les politiciens. Il semblerait donc un peu rapide de reprocher au président Hollande l’emploi du mot « faillite » dans ce cadre comme il est fait dans cet article des « Décodeurs » ici, l’emploi de ce terme étant courant dans les médias (voir ici ou ici) comme chez les politiciens (peut-être tout simplement car il est compréhensible par le plus grand nombre ?). A gauche comme à droite (voir Francois Fillon ici par exemple). Néanmoins en ce qu’il s’agit de la notion juridique de « faillite », il est clair que cette notion ne peut être employée pour un Etat et qu’une cessation de paiements d’un Etat n’a pas les mêmes conséquences qu’une cessation de paiements d’une entreprise, puisque le premier ne peut disparaître.

 

Un Etat comme la France peut-il alors se déclarer en « cessation de paiements » ? Sujet du prochain éclairage (19 mai)

 

 

Julien Pinter