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Un pays enclavé peut-il sortir de la pauvreté ? (Note)

 

 

Utilité de l’article : Dans un premier temps, il s’agit de déterminer le profil type des pays enclavés et de comprendre les obstacles auxquels ils font face. Une fois le diagnostic établi, l’article propose des solutions que ces pays peuvent intégrer dans leur stratégie de développement.

 

Résumé :

  • La plupart des pays enclavés sont des pays sans littoral en développement (PSLD). Ces derniers représentent 7 % de la population mondiale mais seulement 1 % du PIB global.
  • Selon les Nations Unies, les pays enclavés voient leur PIB par habitant amputé de 20 % du simple fait de leur position géographique.
  • Les coûts du commerce international dans les pays enclavés sont en moyenne de 30 % à 40 % supérieurs à ceux du reste du monde.
  • Les PSLD ont plusieurs outils à leur disposition pour réduire l’impact négatif de l’absence de littoral. La Suisse, l’Autriche et le Luxembourg montrent que des alternatives sont possibles.
  • En matière de croissance du PIB, les PSLD font mieux que les autres pays en développement (+2,6% en moyenne annuelle pour les PSLD contre +1,8% pour l’ensemble des pays en voie de développement entre 2017 et 2020).

 

 

Actuellement, au niveau mondial, le transport maritime représente environ 90 % des échanges de biens en volume. De plus, les océans abritent de précieuses ressources halieutiques et naturelles (pétrole, gaz, etc.), sans compter que le littoral joue un rôle important dans l’attrait touristique des pays.

L’accès à la mer représente donc un enjeu stratégique comme en témoignent les nombreux conflits autour de l’appropriation des eaux territoriales dont le plus connu oppose sept pays en mer de Chine méridionale (Taïwan, Viêt Nam, Philippines, Malaisie, Brunei, Chine et Indonésie).

Les pays disposant d’un littoral bénéficient d’avantages non négligeables. Qu’en est-il en revanche des pays enclavés privés d’accès à ce littoral tant convoité ? Peuvent-ils compenser ce handicap ou sont-ils condamnés ?

 

  1. Le Profil des pays sans littoral (PSLD)

Dans le monde on compte quarante-trois pays enclavés (auxquels s’ajoutent cinq autres États partiellement reconnus). Bien que certains d’entre eux figurent parmi les pays les plus développés au monde (Luxembourg, Suisse et Autriche), trente-deux sont des pays sans littoral en développement (PSLD) dont seize sont situés en Afrique. Ces derniers (en excluant les pays développés) représentent une population de 533 millions de personnes,soit7 % de la population mondiale mais contribuent seulement à hauteur de 1 % au PIB global. Ils sont situés en moyenne à 1 370 kilomètres du port maritime le plus proche.

 

 

Carte des trente-deux pays enclavés en voie développement

 

Plusieurs indicateurs montrent le retard des pays enclavés en développement :

  • Le PIB annuel / habitant moyen était de seulement 1 625 USD contre 5 620 USD pour les pays en développement dans leur ensemble et 11 100 USD pour la moyenne mondiale (2019).
  • Près de 30 % de la population touchait moins de 1,9 USD par jour (2019).
  • L’indice de développement humain est en moyenne de 0,59, soit un niveau similaire à celui de la Guinée Equatoriale (144ème position à l’échelle mondiale).
  • La part des services en 2020 dans le PIB était de 47 % contre 56 % dans le monde.

 

Les infrastructures de transport et de télécommunication y sont déficientes, obsolètes ou inexistantes. Ainsi, seuls 58,7 % de la population avait accès à l’électricité en 2018 (89,6 % dans le monde) et près de 70 % ne disposent toujours pas d’accès à internet (50 % au niveau mondial). La part des PSLD dans le transport de marchandises ne dépasse pas 2 % (hors voie maritime).

 

  1. Les obstacles au développement des PSLD

Selon les Nations Unies (ONU), les pays enclavés voient leur PIB par habitant amputé de 20 % du fait de l’absence de littoral. A titre d’exemple, en Allemagne avec un PIB / habitant amputé de 20 %, le pays se situerait sous la moyenne de la zone euro.

Ce phénomène s’explique par les difficultés que rencontrent les PSLD pour s’intégrer dans les chaînes de valeur globales et participer au commerce international. Leur compétitivité est en effet pénalisée par de nombreux facteurs. Les surcoûts de transport, dont souffrent leurs exportations et leurs importations, sont l’un des principaux obstacles. D’après les estimations de l’ONU, les coûts du commerce international dans les pays qui ne disposent pas de littoral sont en moyenne de 30 % à 40 % supérieurs à ceux du reste du monde. Avant de rejoindre le port d’un pays voisin et d’être chargé par bateau, les marchandises doivent être transportées depuis le pays enclavé et traverser une ou plusieurs frontières. Ceci augmente les délais et les coûts (paiement de potentiels droits de douane, multiplication des contrôles douaniers, etc.), d’autant plus que comme indiqué, en moyenne le port le plus proche des PSLD est situé à 1 370 kilomètres. L’obsolescence et le manque d’infrastructures (routes, ports secs, aménagement des voies fluviales) rendent le commerce extérieur d’autant plus coûteux et complexe.

Le faible taux d’urbanisation (38,6 % contre 64,9 % dans le monde) et le sous-développement empêche le déploiement massif des NTIC nouvelles technologies de l’information et de communication). Ainsi, le réseau internet, qui joue pourtant un rôle crucial en matière de logistique, reste très limité voire inaccessible par endroit.

 

A cela s’ajoutent d’autres handicaps tels que la dépendance vis-à-vis des pays de transit pour accéder au port maritime où sont chargées les marchandises. L’aspect géopolitique est donc capital.

 

 

  1. Pays enclavé ne rime pas forcément avec fatalité

 

Jusqu’ici nous avons dressé un tableau pour le moins pessimiste. Pourtant, bien que le chemin soit semé d’embûches, un PSL peut surmonter les obstacles énoncés ci-dessus. La Suisse, le Luxembourg ou encore l’Autriche en sont le parfait exemple.

 

La Suisse bien qu’enclavée dans un territoire montagneux, est aujourd’hui l’un des pays les plus développés. Même sans faire partie de l’Union européenne, elle a noué des partenariats très forts avec ses voisins européens avec lesquels elle entretient de bonnes relations diplomatiques. Malheureusement, tous les pays enclavés n’ont pas la chance d’être entourés de pays riches et stables. La Suisse compte également sur son réseau fluvial ainsi que l’intégration des NTIC qui permet de réduire les coûts de transport.

 

Outre l’exemple de la Suisse, il convient de mentionner que les pays sans littoral en développement (PSLD) mènent une politique visant à limiter l’impact négatif de leur isolement. Pour ce faire, ils peuvent utiliser différents leviers.

 

Premièrement,l’intégration commerciale avec les pays voisins est cruciale. C’est pourquoi, en moyenne, les PSLD sont partie prenante de quatre accords commerciaux (de un à onze selon le pays). Certains de ces accords sont très ambitieux car ils établissent une union douanière comme dans le cas du MERCOSUR dont font partie deux PSLD (le Paraguay et bientôt la Bolivie). Néanmoins, cette union douanière est encore loin d’être achevée.

 

Les pays sans littoral peuvent également occuper une position géostratégique grâce à des projets de corridors dont ils peuvent tirer profit. C’est le cas du Paraguay situé sur le tracé du mégaprojet de corridor biocéanique visant à relier par la route et potentiellement par le ferroviaire les façades Atlantique (côté brésilien) et Pacifique (côté chilien). Le Paraguay bénéficierait alors d’un meilleur accès au littoral, d’une réduction des coûts de ses exportations-importations et de la création de centres logistiques.

 

Par ailleurs, les PSLD peuventfaire jouer la concurrence entre les différents ports, bien que cela ne soit pas toujours possible.

 

L’amélioration et le développement des infrastructures, y compris fluviales, sont capitales pour limiter les conséquences de l’enclavement. En ce sens, entre 2008 et 2017, la Bolivie a ainsi consacré en moyenne 5,4 % de son PIB aux investissements en infrastructures (contre seulement 2 % en moyenne en Amérique latine et Caraïbes).

 

Les PSLD peuvent également travailler sur la facilitation des échanges, c’est-à-dire la simplification, la modernisation et l’harmonisation des processus d’exportation et d’importation. A ce jour, ils ont mis en oeuvre 50,7 % des engagements de l’Accord sur la facilitation des échanges (AFE) de l’Organisation Mondiales du Commerce (OMC).

 

De plus, la qualité des institutions et la stabilité juridique restent des piliers essentiels pour les PSLD. Le Botswana en est un bon exemple avec un environnement macroéconomique stable et une qualité de ses institutions supérieure à celle de ses voisins. Par conséquent, il se classe en deuxième position du classement Global Competitiveness report parmi les pays d’Afrique Subsaharienne (hors îles Maurice et Seychelles).

 

D’autres facteurs peuvent aider ces pays comme l’aide au développement (28 Mds € en 2018) et certaines initiatives (ex : Programme d’action de Vienne en faveur des PSLD). Bien qu’a priori cette aide soit positive, dans les faits son efficacité fait l’objet de nombreux débats. Son impact dépend de nombreux facteurs tels que les secteurs d’investissements, la corruption, la volatilité des flux d’aides, le suivi des projets, l’absence de conditionnalité de l’aide, etc.

 

En partie grâce à ces efforts, au cours des dernières années, la croissance des PSLD a été plus dynamiqueque dans les autres pays en développement (+2,6 % en moyenne annuelle pour les PSLD contre +1,8 % pour l’ensemble des pays en voie de développement entre 2017 et 2020).

 

Conclusion

 

Les pays enclavés sont davantage touchés par le sous-développementdu fait de leur position géographique qui suppose toute une série de handicaps notamment en matière d’accès au commerce international.

 

Néanmoins, comme le montrent la Suisse, l’Autriche et le Luxembourg, il n’existe pas de fatalité. Les PSLD peuvent mettre en place une stratégie reposant sur la signature d’accords commerciaux avec les pays voisins et la mise en place de grands corridors visant à relier deux façades maritimes (ex : Paraguay). La simplification douanière, l’intégration des NTIC, la concurrence entre les ports de transit et la qualité des institutions sont également indispensables. Ses efforts semblent porter leurs fruits favorisant une croissance plus soutenue que dans les autres pays en développement.

 

 

Bibliographie

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