En économétrie des séries temporelles, lorsque nous souhaitons modéliser une variable non stationnaire à l’aide d’une seule variable explicative elle aussi non stationnaire, nous avons recours à ce que l’on appelle un modèle à correction d’erreur. Pour ce faire, nous procédons en plusieurs étapes.
La première étape consiste donc à tester la stationnarité de ces séries temporelles. Pour cela, nous disposons de plusieurs tests de non stationnarité[1]. Si les variables sont non stationnaires, la régression standard des Moindres Carrés Ordinaires (MCO) est dite fallacieuse ou illusoire. Pour éviter ce problème, nous pouvons estimer un modèle par MCO via une transformation linéaire des variables (e.g. dans la majeure partie des cas, la différence première rend les variables non stationnaires en niveau exploitables). Cependant, d’un point de vue économique, il est fréquent de vouloir travailler avec des variables en niveau plutôt qu’en différence première. Mais comment faire pour que la régression ne soit pas fallacieuse ? Si les variables sont cointégrées (c.-à-d. il existe une combinaison linéaire des séries intégrée d’ordre inférieur à l’ordre d’intégration de chacune des séries, zéro la plupart du temps), il est possible d’estimer une régression pertinente et statistiquement viable. La cointégration entre deux variables a été conceptualisée par Engle et Granger (1987). Cependant, la méthode d’Engle et Granger ne permet pas de distinguer plusieurs relations de cointégration. Ce n’est que quelques années plus tard que Johansen (1991) met au point une procédure capable de tester l’existence de (n – 1) relations de cointégration entre n variables (n>2). Nous reviendrons sur le modèle vectoriel à correction d’erreur (VECM) qui cherche à modéliser une relation avec plusieurs variables explicatives, plus complexe, dans un prochain éclairage.
Si deux séries sont cointégrées (les résidus estimés dans la relation de long terme sont stationnaires), nous avons recours au modèle à correction d’erreur (MCE) – ou Error Correction Model (ECM) en anglais – suivant :
ΔYt = γΔXt + δ (Yt-1 – ĉ Xt-1 – â) + ɛt avec δ < 0 (1)
Où t représente le temps, (Yt-1 – ĉ Xt-1 – â) représente la relation de cointégration et fait référence aux résidus estimés de la régression de la variable expliquée, Y, sur la variable explicative, X. ĉ représente le coefficient de cointégration et â est la constante estimée de la relation de cointégration. Nous pouvons souligner le fait que δ doit être significativement négatif pour que l’équation induise un retour de Yt à sa valeur d’équilibre de long terme (ĉ Xt-1 + â). Si ce n’est pas le cas, la régression est fallacieuse. Le MCE permet donc de modéliser à la fois la dynamique de court terme (représentée par les variables en différence première) et la dynamique de long terme (représentée par les variables en niveau).
Pour résumer, la bonne spécification puis l’estimation d’un MCE se fait en 4 étapes :
1. Tester l’ordre d’intégration des séries temporelles étudiées grâce à des tests de non stationnarité (e.g. ADF et/ou PP) ;
2. Si les variables sont intégrées du même ordre, régresser par MCO la variable expliquée, Y, sur la variable explicative, X ;
3. Tester la stationnarité des résidus estimés dans cette précédente régression. S’ils sont stationnaires, les deux séries sont cointégrées ;
4. Estimer le MCE en (1) et s’assurer que δ soit significativement négatif.
Julien Moussavi
Notes
[1] Dans la littérature, il est fréquent de rencontrer le terme de « test de stationnarité » qui relève davantage d’un abus de langage car l’hypothèse nulle qui est testée la plupart du temps est la présence d’une racine unitaire et donc la non stationnarité de la série temporelle. C’est le cas des tests Augmented Dickey-Fuller (ADF) et Phillips-Perron (PP). Dans la catégorie des tests traditionnels, seul le test de Kwiatkowski, Phillips, Schimdt et Shin (KPSS) a pour hypothèse nulle l’absence de racine unitaire et donc la stationnarité de la série temporelle.
Références