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La place de l’agriculture française et européenne dans le monde

Résumé :

– La France et l’Europe sont deux piliers importants de la production agricole mondiale.

– La France est la huitième puissance agricole en termes de part de la valeur de la production agricole mondiale.

– L’Europe est la première puissance agricole mondiale si l’on prend en compte à la fois la valeur de la production et la part de la population active qui l’a produite.

– La balance commerciale agricole de l’Europe, bien qu’instable, est proche de l’équilibre comparativement à celle des USA.

– La balance commerciale agricole française tend à se déséquilibrer de plus en plus.

 

La France est une grande puissance agricole tout comme les autres États européens, mais il se révèle difficile de situer la France ou l’Union dans la production internationale, ainsi que de savoir quelle type de denrée nous produisons le plus abondement. Nous nous proposons de le faire ici en prenant en compte la valeur de la production. En effet, l’agriculture est un secteur d’activité produisant des biens très diversifiés, dès lors leur production n’est comparable qu’en valeur monétaire. Elle est mesurée ici en milliers de dollars internationaux (c’est-à-dire en parité de pouvoir d’achat) et issue de la base de données de la FAO [1].

Le monde produit une valeur agricole nette de 2 200 milliards de dollars internationaux en 2012 sur un PIB global de près de 96 000 milliards de dollars internationaux (selon la Banque Mondiale). Cette valeur est obtenue en multipliant le prix à la production (c’est-à-dire le prix de la denrée à la sortie de l’exploitation) par la quantité produite. Ainsi, l’agriculture représente à peine 2,3% de la valeur de la production annuelle. Cependant, cette représentation fausse largement l’importance de l’agriculture car elle ne prend pas en compte le réel service qu’elle rend : nourrir les hommes. On ne le répètera jamais assez, un pays ne peut se développer convenablement sans un secteur agricole fort.

L’ensemble des pays développés est doté d’une agriculture intensive, avec les rendements les plus élevés du monde dans une grande majorité de cultureset de productions. Ceci leur a permis, depuis  deux à trois siècles, de dégager progressivement un surplus de travailleurs ainsi qu’un surplus de pouvoir d’achat qui a réorienté l’activité économique vers l’industrie puis vers les services. Aujourd’hui, qu’en est-il de notre place dans ce domaine ? Sommes-nous toujours les plus gros producteurs ? Que produisons-nous ? Qu’exportons-nous ? Quelle est la place de l’Union Européenne ?

 

Les productions française et européenne dans le monde

L’agriculture française est largement en tête des plus grandes agricultures du monde comme le montre le graphique 1 ci-dessous. Sur une superficie de 670 milliers de kilomètres carrés, elle produit 1,7% de la valeur agricole mondiale, à peu près comme la Russie qui pourtant a un territoire plus de 25 fois supérieur. Cette performance est bien sûr due à une organisation historique du territoire mais aussi à la PAC (Politique Agricole Commune) et à la présence de terres arables de bonne qualité. D’après le ministère de l’agriculture, la Surface Agricole Utile (SAU, c’est-à-dire le territoire consacré effectivement à l’agriculture) française en 2011 représente environ 325 milliers de kilomètres carrés alors que celle de la Russie est d’environ 2,2 millions. Cette dernière comparaison relativise la première, mais elle montre tout de même combien l’agriculture française est productive puisque la SAU russe est près de 7 fois plus élevée que la SAU française.

De plus, seul 1,8% de la population active française travaille dans le secteur agricole d’après la FAO en 2013. Ceci tranche radicalement avec la Chine qui produit certes près de 25% de la valeur agricole mondiale, mais dont le secteur agricole emploie près de 60% de la population active. La différence reste flagrante avec la Russie car son secteur agricole emploie environ 7,5% de la population active. Nous avons là encore une preuve de la grande productivité de l’agriculture française comparativement aux grands pays agricoles.

L’Union Européenne dans son ensemble est, en 2012, la troisième puissance agricole mondiale. Elle produit en effet plus de 10% de la valeur mondiale de la production. Dans les 21 pays représentant chacun plus de 1% de cette valeur, pas moins de 4 sont européens (l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne et la France). Cette performance est associée à une faible part de la population active agricole puisque à peine 4% de la population active de l’Union travaille dans le secteur agricole en 2013. Ce niveau est faible par rapport à l’Inde ou la Chine, mais il est relativement élevé par rapport aux USA (environ 1,4%) ou même à la France prise seule. Ceci provient du fait que dans certains pays européens une part plus importante de leur population travaille encore dans le secteur agricole (Estonie 8%, Grèce 10%, Hongrie 6%, Lettonie 8,5%, Lituanie 7%, Pologne 15,8%, Portugal 8,6%, Roumanie 7,9% et Slovaquie 6,5%).

 

La France dans les pays développés européens…

En prenant en compte les deux critères des graphiques 1 et 2, nous remarquons que la France est, de loin, le premier pays agricole européen. Elle produit près de 17% de la valeur agricole européenne en 2012 contre seulement 14,4% pour l’Allemagne, 11,9% pour l’Italie et 11,7% l’Espagne. Quatre autres pays produisent une part non négligeable de la valeur agricole : la Pologne 7,8%, le Royaume-Uni 6,8%, les Pays-Bas 5,8% et la Roumanie 3,3%.

Bien que la PAC (Politique Agricole Commune) tente, malgré de nombreuses réformes, de faire converger les modèles agricoles, on remarque que les pays riches de l’Union, dont la France, ont une structure ultra productive avec une part de la population active dans le secteur agricole largement minoritaire alors que d’autres, comme la Pologne sont encore dans un modèle de pays en développement. Cela ne les empêche pas d’être de gros producteurs. De plus, les possibilités de mises en culture, mais surtout les potentiels gains et rendements sont tellement importants qu’il est possible que la France ne reste pas le premier producteur européen.

 

…Et mondiaux : le Canada, l’Australie et les USA

Il est intéressant de comparer la France aux pays qui ont le même modèle agricole. C’est-à-dire un modèle productiviste et donc à très haut rendement. Quelque soit l’activité agricole considérée, les pays développés ont les plus hauts rendements du monde (même dans la production du riz par exemple où l’Espagne, l’Italie, le Japon mais surtout les USA dépassent les rendements Vietnamien ou Thaïlandais). Le Canada et l’Australie représentent respectivement 1,1% et 1,2% de la valeur agricole mondiale, ce qui est bien inférieur à la France alors ces pays ont une surface agricole respective d’environ 68 et 425 millions d’hectares et que la France n’en a que 30 millions environ [2].

Par contre, la comparaison de la puissance agricole française à celle des USA est largement disproportionnée. Il est donc plus logique de faire une comparaison avec l’Union européenne dans son ensemble. Dans ce cadre, nous remarquons que les USA produisent 22 millions de dollars internationaux de moins que l’Union.

 

La production française et la production européenne : ce que nous produisons…

Travailler du point de vue macroéconomique oblige à utiliserdes agrégats qui cachent parfois une certaine hétérogénéité. Ainsi, comme nous l’avons dit précédemment, le secteur agricole produit une grande variété des denrées et il est intéressant de savoir de quels produits nous parlons lorsque nous disons que la France produit 1,7% de la valeur agricole mondiale.

Le graphique 3 présente les 20 produits dont la valeur totale est la plus élevée. Ainsi, le lait de vache, la viande bovine, le blé, la viande de porc et le raison sont les 5 plus grandes productions, en valeur, de l’agriculture française. Ceci est cohérent avec l’apriori que l’on pourrait avoir sur la production hexagonale.

Au niveau européen (graphique 4), le classement ne change pas tellement. La production de lait reste l’activité générant le plus de valeur, suivie de près par la production de viandes (porc, bovin et poulet) puis le raisin. La production de blé n’arrive qu’en 6ème position.

Pour mettre la production française en perspective par rapport à celle de l’Union, nous décidons de présenter, dans le graphique 5, le pourcentage de la valeur de la production française dans la production européenne. Ainsi, nous remarquons que la France produit 60 à 100% de le production européenne de 9 denrées : les céréales mélangées, les fèves sèches, la viande nda [3], les céréales nda, les haricots secs, les haricots verts, le maïs, les pois secs et la triticale. Il semble que les données soient faussées pour la triticale (qui est une céréale largement utilisée pour nourrir les animaux). La France produit aussi plus de 40% de la valeur de production européenne du blé et de l’orge. Par contre, alors qu’elles font partie des plus importantes valeurs de productions, la France ne produit que 20% de la valeur européenne des productions de viande bovine.

 

…Et ce que nous échangeons

 

En termes de valeur

Les échanges des produits agricoles se font sur les denrées non transformées, mais aussi sur les produits agroalimentaires. Ainsi, le monde échange une valeur de produits agricoles près de 8 fois supérieures à la valeur de la production. En 2011, les échanges atteignaient près de 18 350 milliards de dollars internationaux.

La France exporte environ 3,9% de cette valeur en 2011. Ceci la place en 6ème positions des pays importateurs et 7ème positions des pays exportateurs. Ainsi, la France, qui fait partie des plus grands pays producteurs, est aussi un acteur incontournable du marché international des denrées. L’Europe, peut être considérée comme la première puissance commerciale agricole puisqu’elle est à la première place des pays importateurs et des pays exportateurs avec environ 30% de la valeur totale en 2011. Les USA ne représentent que 12% de la valeur des importations mondiales et 8 % de celle des exportations.

Les graphiques 6 et 7 ci-dessous montrent que les plus gros producteurs de la planète sont, sans surprise, les plus grosses puissances commerciales. Néanmoins, certains pays entrent dans le classement des 20 nations les plus importatrices comme Singapour, la Corée ou encore les Pays-Bas et le Japon. Alors que le Royaume-Uni ne fait pas partie des plus gros producteurs, il entre lui aussi dans le classement des 20 plus gros exportateurs à la 7ème place. Nous remarquons aussi l’entrée, du côté des exportateurs, des Émirats et de l’Arabie Saoudite ainsi que des Pays-Bas. Ces derniers exportent près de 3,6% de la valeur des exportations mondiales soit 667 milliards de dollars en 2011, juste devant la France. L’Allemagne est quant à elle, en 4ème position des pays exportateurs et des pays importateurs avec environ 1500 milliards d’échanges.

L’entrée des Pays-Bas comme premier acteur commercial agricole des pays de l’Union est probablement faussée par le jeu du commerce international. En effet, les Pays-Bas sont un point d’arrivage de beaucoup de denrées qui sont par la suite redistribuées à l’ensemble de l’Union.

Ainsi nous remarquons que la France, bien qu’elle soit encore très bien placée ici, perd des places au profit d’autres pays de l’Union. Si la valeur importée dépend avant tout des goûts des consommateurs [4], nous notons que les exportations françaises semblent souffrir soit d’un niveau de valeur ajoutée plus faible soit d’une demande internationale moins importante que celle de ces concurrents directs.

 

En termes de biens

Pour appréhender les importations et les exportations françaises et européennes en termes de biens, nous proposons de présenter les 20 produits dont la valeur à l’importation et/ou à l’exportation est la plus importante. Dans les graphiques 8 à 11 ci-dessous nous représentons ces produits en termes de part dans la valeur totale des importations puis des exportations françaises et européennes (nous retenons ici l’Europe des 12 pour ne garder que les pays dont l’industrie agricole est comparable à celle de la France).

Sans surprise, la France exporte majoritairement du vin et du blé qui correspondent respectivement à près de 15% et 10% de la valeur totale des exportations en 2011. La valeur des exportations de vin est aussi la premièrede l’agriculture européenne puisqu’il représente près de 8% de la valeur totale des exportations juste devant les autres boissons alcoolisées. Le blé et le porc sont relayés respectivement en 6ème et 5ème positions.

 

Les graphiques 10 et 11 présentent les importations et affichent des résultats surprenants. En effet, on remarque que les trois plus grosses importations françaises (en valeur) sont les matières organiques brutes nda, les aliments préparations nda et les produits cacaotés nda. Les matières organiques brutes regroupent par exemple les boutons de fleurs, les branches, les souches pour les matières végétales et les plumes, les cornes, les boyaux pour les matières animales. Elles sont utilisées dans beaucoup de secteurs comme la parfumerie ou la pharmacie. Les aliments préparations représentent l’ensemble des préparations alimentaires homogénéisées (comme le potages, les bouillons ou encore le ketchup). Ainsi, nous remarquons que nous importons beaucoup de produits déjà transformés et non simplement de la matière première agricole. De plus, les produits importés représentent des niveaux plus homogènes de la part de la valeur totale des importations. En effet, les matières organiques brutes, premier poste de dépense pour les importations, ne représentent que 5% de la valeur totale dépensée là où le vin représentait 15% de la valeur totale exportée.

Enfin, le graphique 11 montre que l’Union importe en priorité les mêmes produits que la France, bien que le classement soit quelque peu différencié. Ainsi, l’Union importe beaucoup de café et de soja qui n’apparaissent qu’en 10ème et 7ème positions des importations françaises.

 

 

Évolution des balances commerciales de la France, de l’Allemagne, de l’Union et des USA.

L’observation du commerce d’un point de vue statique comme nous l’avons fait jusqu’à maintenant ne permet pas d’appréhender l’évolution de la performance de l’agriculture des pays. Nous proposons donc de visualiser, grâce au graphique 12 l’évolution de la balance commerciale agricole de la France et de l’Union Européenne comparativement à celle de l’Allemagne et des USA (pays comparables). On remarque que la balance commerciale de l’Union est assez instable et elle devient largement déficitaire à partir de 2004. La balance française suit cette évolution bien que ce soit dans des proportions bien inférieures (même si nous remarquons que la balance commerciale européenne s’apprécie en fin de période). Comme pour le reste de son économie, la balance commerciale agricole allemande est quant à elle largement excédentaire. Elle atteint même 200 milliards de dollars aux alentours de 2010. Inversement, la balance commerciale américaine est très largement déficitaire depuis 1976 et atteint un niveau de plus de 800 milliards en 2006, 2007 et 2008.

L’analyse de cette évolution montre que l’agriculture européenne, bien que sur une pente fragile, est largement plus compétitive que l’agriculture américaine. Les raisons de cette performance sont probablement multiples et il faudrait un travail bien plus précis et rigoureux pour les déterminer. 10valeur ajoutée (comme le vin) ou qu’elle ait, grâce à la PAC, des rendements bien plus élevés que celles des USA.

 

 

Conclusion

Ainsi, la France et l’Union Européenne sont de grandes puissances agricoles. Elles se retrouvent au centre de la production mondiale et permettent d’assurer à la fois une alimentation constante des marchés et la sécurité alimentaire de la plupart des pays. Avec une part infime de leur population active dans le secteur agricole, elles réussissent toutefois à produire davantage de valeur qu’une large majorité des pays concurrents. La première valeur d’exportation française et européenne est le vin, pourtant la France n’est pas le premier pays européen en termes d’échange internationaux. Comme le montre le dernier graphique, l’Allemagne  a une dynamique d’exportation plus importante que celle de la France avec une balance commerciale largement excédentaire.

Comme nous le disions en introduction de cet article, les comparaisons faites ici sont difficiles parce que le domaine agricole est extrêmement varié mais surtout parce que le niveau de transformation des produits est très différent entre une denrée à la sortie de l’exploitation et un plat préparé par l’industrie agroalimentaire. Il serait intéressant de faire des comparaisons plus précises comme, par exemple, des comparaisons produits par produits.

 

 

Notes:

[1] Base de données de la FAO : http://faostat.fao.org/site/291/default.aspx

[2] Université de Toronto : www.g20.utoronto.ca/2011/2011-agriculture-chiffres.pdf

[3] « nda » signifie « non désigné ailleurs » et caractérise une catégorie dans laquelle est comptabilisée beaucoup de produit de différentes sortes.

[4]  Nous sommes dans le domaine agricole, les besoins de cette industrie sont marginaux par rapport aux commerce de l’agroalimentaire