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Classifier ce qui est « vert » pour mieux orienter les investisseurs (Etude)

Cet article constitue l’un des chapitres du rapport transmis par BSI Economics à la Mission d’évaluation et de contrôle de la Commission des finances de l’Assemblée Nationale dans le cadre de sa mission sur l’investissement privé dans la transition écologique, sur la base duquel des membres de BSI Economics ont été auditionnés le 28 juin 2018.

Rapport dans son intégralité :

Constats

  • Le fléchage de l’investissement vert demeure un enjeu complexe pour les investisseurs, qui manquent par ailleurs d’incitations. L’absence d’une définition commune du caractère « vert » ou « durable » d’un actif ou d’une activité donné(e) a ainsi été mise en exergue comme l’un des obstacles majeurs au développement de l’investissement dans la transition écologique.
  • Dans ce contexte, plusieurs initiatives, publiques et privées, ont visé à définir et classifier les actifs « verts ». Les divergences existantes parmi ces définitions et taxonomies illustrent aussi bien la complexité (politique et scientifique) de l’exercice que sa nécessité en vue d’orienter les capitaux vers la transition écologique et énergétique. Dans son Plan d’action pour la finance durable publié en mars 2018, la Commission européenne a identifié l’élaboration d’une taxonomie commune à l’échelle européenne comme la clef de voûte et le préalable nécessaire au développement des mesures qu’elle propose pour la finance verte.
  • Définir et classifier ce qui est « vert », a minima à l’échelle européenne, permettrait d’attirer les investisseurs vers le financement de la transition écologique via plusieurs canaux : en facilitant l’identification des actifs verts, en réduisant les coûts de transaction, en permettant l’émergence d’investissements transfrontières au sein de l’Union européenne (et en évitant ainsi la fragmentation des marchés), en encourageant la publication (disclosure) d’informations sur les activités économiques durables des entreprises, et en encourageant d’autres politiques de l’Union à créer des labels « verts ».

 

Propositions

  • La taxonomie des actifs verts doit répondre à une série de caractéristiques clefs pour sa réussite dans le temps, notamment : un vaste champ d’application (comprenant les activités non directement vertes) ; un degré élevé de granularité ; une certaine souplesse en vue de répondre aux changements technologiques, scientifiques et réglementaires à venir ; l’intégration de l’ensemble de la chaîne de valeur d’une activité ; et la prise en compte des éléments de gouvernance et de sous-traitance.
  • La taxonomie doit suivre une trajectoire 2°C, étant donné que chaque activité voit son intensité carbone diminuer progressivement, à un niveau et à un rythme dépendant de ses spécificités et des ruptures technologiques que connaît le secteur.
  • Classifier les actifs verts doit s’accompagner de la formulation d’objectifs politiques en matière environnementale et d’indicateurs et e seuils d’éligibilité correspondants. En cela, la taxonomie gagnerait à être élaborée en lien étroit avec l’ensemble des politiques internes de l’Union et les gouvernements des Etats membres. Les critères associés et leur pondération doit également être en ligne avec l’agenda environnemental de l’Union et son évolution au fil du temps (d’où la nécessité de souplesse évoquée plus haut).
  • Classifier les actifs et activités durables nécessite par ailleurs un renforcement de la mesure de l’impact environnemental des mécanismes financiers (i.e. émissions obligataires vertes ; prêts et investissements verts) et non financiers (activisme actionnarial ; diffusion d’informations ; dialogue avec les investisseurs) façonnant l’investissement vert.
  • La taxonomie des actifs verts doit être accompagnée par l’élaboration, dans un second temps, de lignes directrices et de guides de bonnes pratiques à destination des acteurs de marché en vue d’une adoption la plus globale possible. 
  • Enfin, la taxonomie des actifs verts développée par l’Union européenne doit viser à assurer sa comparabilité avec d’autres projets similaires à l’échelle internationale. A défaut de l’adoption d’une taxonomie universelle (dont la réalisation à ce jour pêche en l’absence d’une coordination internationale renforcée sur le sujet, notamment au regard de la position américaine), la taxonomie développée au sein de l’Union européenne devrait pouvoir être utilisée en miroir d’autres taxonomies existantes, notamment via l’élaboration d’indicateurs primaires communs, et ce en lien avec les organisations internationales compétentes. 

 

 

Le 7 décembre 2018, le groupe technique d’experts de la Commission européenne, constitué en juillet 2018, a publié une consultation publique sur le projet de taxonomie des activités contribuant de manière substantielle à l’atténuation (mitigation) du changement climatique, conformément à l’article 6 du projet de règlement de mai 2018. Cette consultation est ouverte jusqu’au 22 février 2019.

Les principales caractéristiques de ce projet de taxonomie sont les suivantes:

  • Elle vise à couvrir l’ensemble des secteurs économiques, en suivant le système de classification européen NACE, la nomenclature statistique des activités économiques dans la communauté européenne, pouvant être complété par d’autres cadres statistiques (Classification of Environmental Protection Activities ; Classification of Ressource Management Activities…) ;
  • La méthodologie de sélection des activités économiques se fonde sur deux facteurs complémentaires : (i) les secteurs macroéconomiques à l’intensité carbone élevée ; et (ii) le potentiel de réduction substantielle des émissions GES dans d’autres secteurs par les activités économiques concernées (en assumant que le cycle de vie des émissions GES de l’activité ne contrevient pas à l’objectif d’atténuation du changement climatique) ;
  • Sur cette base, le groupe technique d’experts a sélectionné huit secteurs macroéconomiques pour l’atténuation du changement climatique eu égard aux émissions GES : l’agriculture, la forêt et la pêche ; l’exploitation minière et les activités extractives ; la production manufacturière ; la production énergétique (électricité, gaz, vapeur…) ; l’approvisionnement en eau, la gestion des eaux, le traitement des eaux usées et les activités d’assainissement ; le secteur de la construction ; le secteur des transports et de stockage ; et le secteur immobilier ; et
  • Le groupe technique d’experts a identifié les secteurs des technologies de l’information et de la communication ainsi que celui des activités scientifiques et techniques comme pouvant contribuer à l’atténuation du changement climatique.