Trois économistes de BSI Economics (un stratégiste en banque, un investisseur institutionnel et un économiste en banque centrale) ont échangé ce jeudi 29 juin 2017 sur les enjeux liés à la politique économique française et à l’environnement macroéconomique global.
Si le momentum économique favorable observé actuellement en France comme en Europe devrait se poursuivre, une baisse de la confiance au second semestre 2017 pourrait être un frein avec un effet significatif sur l’activité.
Le mois de septembre 2017 devrait ainsi être décisif avec de fortes attentes liées à une réforme du marché du travail en France et des mesures phares qui devront prendre en compte des marges de manœuvre budgétaire limitées (suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages, réduction de la pression fiscale sur les entreprises ou réforme de la taxation du capital). En ce sens, la réforme du marché du travail, qui suscite de très fortes attentes et pourrait soulever des tensions sociales dès la rentrée, et la capacité de l’économie française à faire baisser durablement le taux chômage, apparaissent comme des gageures qui pourraient conditionner la suite des réformes du quinquennat. Un succès pourrait avoir des effets d’entraînement, tandis qu’une déception pourrait durablement cristalliser les tensions.
1 – Conjoncture économique française
L’économie française bénéficie d’un momentum conjoncturel avec une croissance du PIB qui a été révisée en hausse à 0,5 % au premier trimestre 2017. Les enquêtes (PMI, enquêtes de confiance des ménages, etc.) se situent bien au-dessus de leur moyenne de long terme et les prévisions de croissance pour 2017 signalent que la croissance de l’économie française pourrait s’établir entre 1,4 % (Banque de France, Commission Européenne) et 1,6 % (Note de Conjonture de l’Insee). Soit un plus un plus haut depuis 2011,allant au-delà de son potentiel.
Les facteurs de la croissance se rééquilibreraient, avec une demande intérieure (consommation et investissement) plus contenue mais toujours dynamique et un commerce extérieur moins dégradé. En particulier, les phénomènes sectoriels conjoncturels qui ont pénalisé les exportations en 2016 (problèmes de livraisons dans l’aéronautique, plus mauvaises récoltes de céréales depuis 40 ans et recul du tourisme suite aux attentats) s’estomperaient en 2017 (même si la vague de canicule observée en juin pourrait affecter négativement les récoltes françaises).
2 – Environnement sur les marchés financiers et évolution de l’euro-dollar
Sur les marchés financiers, trois sujets principaux ont concentré l’attention.
- L’environnement de faible volatilité des marchés financiers observé au premier semestre 2017 pourrait être rapidement remis en cause en raison des incertitudes sur les promesses politiques dans de nombreuses économies développées mais aussi des difficultés des banques centrales à communiquer sur leurs différentes stratégies de sortie des politiques monétaires et sur leur positionnement par rapport à cette problématique. La sur-réaction des opérateurs aux annonces de Janet Yellen ou de Mario Draghi signale l’ampleur de la tâche des banquiers centraux dans leur communication en vue de la normalisation graduelle des taux d’intérêt.
- La faiblesse prolongée du prix du pétrole et l’appréciation de l’euro pourraient peser de manière plus importante sur les anticipations d’inflation (inflation totale et core) contribuant à la fin du Trump Reflation (déjà largement observée aux US) et à un repositionnement tactique des portefeuilles avec notamment une correction sur les marchés actions américains.
- Enfin, la sur-réaction des opérateurs de marché aux propos récents de Mario Draghi (la prise de parole à Sintra le 27 juin, où pour la première fois le président de la BCE, a évoqué les « forces reflationnistes » dans un discours pourtant largement accommodant, a dû être reprécisée le lendemain) ont soutenu une appréciation de la monnaie européenne face au dollar. Ce regain de l’euro est susceptible d’affecter les entreprises exportatrices d’ici la fin d’année. Néanmoins, d’une part le dollar américain ne représente que 7 % des échanges commerciaux de la France avec l’extérieur, d’autre part les prévisions de la BCE tiennent compte d’un euro à 1,12 contre le dollar pour 2017 (aujourd’hui à 1,14). Ces deux facteurs justifieraient un impact plus limité d’une appréciation de l’euro sur l’activité économique française, dont la sensibilité par rapport au taux de change doit toujours être abordée avec prudence.