La réduction de l’écart de production (output gap) aux Etats-Unis et en Chine, c.-à.-d. l’écart entre l’activité constatée et celle potentielle, et une reprise des anticipations d’inflation contribueraient à une phase cyclique positive pour les prix des matières premières. Les fortes attentes au sujet d’un accord entre les producteurs de pétrole rattachés à l’OPEP impliqueraient (1) une réduction de l’offre suffisante, et (2) une stabilisation des stocks d’inventaires, suffisantes pour combler le déficit de demande sur le marché et stabiliser un prix du baril autour des 50 dollars l’unité.
Ces deux évènements nous rappellent que les prix des matières premières sont liés aux phases de croissance économique mais également au rapport entre la demande et l’offre.
L’évolution cyclique des matières premières s’explique par la faible réaction de l’offre de production aux variations de prix sur un horizon inférieur à 4-6 mois dans le meilleur des cas. Ainsi, en phase baissière, l’offre maintient sa production en dépit d’une plus faible demande, ce qui contribue à l’accumulation de stock. Les prix baissent. En phase haussière, le regain de demande est satisfait par l’épuisement des stocks jusqu’à ce que l’appareil productif réagisse à l’évolution cyclique. Les prix augmentent sur la base d’une demande supérieure aux capacités productives. Il est possible que l’environnement actuel corresponde à un point d’inflexion du cycle où la reprise de l’activité ne s’accompagne pas instantanément d’une hausse des prix. A cet effet, une réduction de l’offre de l’OPEP serait de nature à accélérer les effets de l’activité sur le prix du marché des matières premières.
L’effet d’une éventuelle hausse des prix des matières premières est notamment essentiel pour l’ensemble des pays émergents. D’une part, la croissance des prix des matières premières est corrélée positivement avec l’accumulation d’épargne dans les pays émergents qui, transformée en liquidité globale, soutient le prix des actifs financiers et diminue les coûts d’endettement au moyen d’une amélioration des conditions financières.
D’autre part, si la relation est historiquement inversée avec le dollar américain, la corrélation entre le prix du baril et la monnaie américaine est devenue positive ces dernières semaines. L’effet négatif de la variation du dollar américain sur les émergents (hausse du stock d’endettement en USD, hausse de l’inflation importée) pourrait être compensé par l’effet positif d’une hausse du prix des matières premières (excédent de la balance commerciale, amélioration des finances publiques).
Plus largement, l’effet d’une hausse des prix des matières premières favoriserait les conditions financières à l’échelle mondiale. Une analyse pourrait être de considérer que de faibles prix sur l’énergie limitent l’inflation et la potentielle réaction d’une banque centrale à remonter ses taux directeurs donc à durcir les conditions financières. Mais cet effet est plus que compensé par la hausse des spreads de crédit. Cet événement survenu en 2015 et début 2016 a augmenté le risque de défaut, notamment sur le segment obligataire à haut rendement, moins liquide et plus exposé aux défauts dans le secteur énergétique. La Chine a évité un softpatch (ralentissement) sur sa croissance économique par des réformes ciblées sur l’offre des secteurs avec les risques de crédit les plus élevés (immobiliers, construction, collectivités). Les marges dans le secteur immobilier ont augmenté grâce à la réduction des critères nécessaires pour l’obtention d’un prêt hypothécaire. La hausse des prix de l’immobilier a augmenté la richesse des propriétaires endettés donc diminué le risque de défaut. Les marges dans le secteur de la construction ont également été favorisées par la suppression de différentes capacités productives. L’ensemble a augmenté le taux de rendement de ces entreprises, diminué leur prêts non-performants. Les conditions financières, propices à la croissance, se sont ainsi améliorées.
Une hausse du prix du baril aurait ainsi trois avantages. (1) Une baisse des primes de risque sur les segments obligataires à faible notation donc une amélioration des conditions financières ; (2) un plus fort regain pour l’épargne qui alimenterait en retour une nouvelle hausse du prix du baril ; et (3) une normalisation plus rapide des taux Fed Fund en réponse à un regain d’inflation lié à la hausse des prix de l’énergie et l’appréciation du dollar américain suite à la hausse des échanges commerciaux des matières premières libellés dans cette monnaie. Cette normalisation permettrait d’éviter de nouveaux débats sur la trappe à liquidité en cas de nouvelle récession économique. Mais un dollar corrélé positivement au prix du baril, comme actuellement, resterait une surprise. C’est l’un des paris majeurs sur lequel les stratégistes devront se positionner en 2017.