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L’économie syrienne : bilan après 9 ans de guerre civile (Note)

 

Utilité de l’article : Après 9 ans de conflit armé, l’économie syrienne est en lambeau. La guerre a dévasté les principaux secteurs économiques (pétrole/gaz naturel, agriculture, textile, tourisme…) et la reprise économique ne semble pas être à l’ordre du jour. La difficile transition politique, les tensions ethniques exacerbées par le conflit et la fuite des investisseurs étrangers risquent de compromettre la relance du pays. Cette étude analyse l’impact de la révolution sur les principaux secteurs économiques syriens.


Avertissement : Les données contenues dans cette étude viennent de sources fiables. Toutefois, elles ne sont valables que pour les zones contrôlées par le régime de Bachar Al Assad.


Résumé :
•    Avant la guerre civile, l’économie syrienne dépendait fortement de ses ressources en hydrocarbure, de son secteur minier, de son industrie textile, de sa production agricole et du tourisme ;
•    Depuis le début de la guerre civile, la production industrielle s’est effondrée et la désorganisation du secteur agricole menace encore la sécurité alimentaire ;
•    Entre 2010 et 2018, le PIB syrien s’est contracté d’environ 65 % ;
•    L’industrie manufacturière et minière représentait 23 % du PIB en moyenne sur la période 2006-2010 avant de passer à 10,7 % du PIB sur les années 2011-2017 ;
•    Le coût de la guerre a été chiffré à environ 300 milliards d’USD de perte de capital due aux destructions sur toute la durée du conflit ;
•    Si la chute du PIB commence à s’affaiblir, une reprise durable de l’activité économique est à exclure sur le court/moyen -terme ;
•    La reconstruction dépendra majoritairement des investissements directs étrangers, provenant principalement de Russie et d’Iran.

 

 


La République Arabe Syrienne fût l’un des pays frappés par le Printemps Arabe en 2011. Petite économie faiblement diversifiée et axée sur des industries à faible valeur ajoutée, le pays affiche un PIB/habitant relativement faible d’environ 2 800 USD en 2010 (179ième rang mondial).

 

Avant le déclenchement de la guerre civile en mars 2011, l’économie syrienne affichait un PIB de 60 Milliards d’USD (2010) avec une production d’hydrocarbures relativement élevée et assurant, à elle seule, 35 % des recettes d’exportations et 20 % des revenus gouvernementaux. Le secteur minier, via la production de phosphate notamment, l’agriculture (dont le coton pour l’industrie textile), et le tourisme constituaient les principaux champs de l’économie.

 

La totalité des secteurs économiques ont été impactés par la guerre civile, toutefois, le manque de données sur certaines industries empêche de quantifier l’impact du conflit sur chaque secteur. C’est la raison pour laquelle cette étude se focalise sur 5 secteurs clefs : l’industrie pétrolière/gazière, le secteur minier, la production agricole (dont le coton utilisé par l’industrie textile) et le tourisme.


Sur la période 2011-2017, le coût total des destructions physiques est estimé à 114,1 Mds USD par les Nations Unis. Les transports, l’industrie manufacturière, la production et la distribution d’électricité et la santé comptent respectivement pour 12,6 %, 9,9 %, 6,2 % et 4,5 % des destructions physiques. Arrive ensuite l’éducation qui compte pour 3,4 %.

1. Un PIB en forte diminution ainsi qu’une baisse drastique des échanges commerciaux


Une forte contraction du PIB

 

Avec un PIB de 60 milliards d’USD en 2010, la Syrie enregistrait une croissance continue depuis plusieurs années, en raison notamment d’une politique de libéralisation partielle de l’économie initiée dès 2000 avec l’arrivée au pouvoir de Bachar Al Assad. Cette politique ciblait principalement le secteur bancaire, avec l’introduction, à partir de 2004, de banques privées. Les conséquences sont visibles dès la première année, avec une croissance économique de 5 % par an en moyenne jusqu’au début de la guerre civile. Le succès de cette libéralisation est toutefois à nuancer, avec d’autres difficultés économiques qui subsistent. En effet, l’épuisement progressif des réserves de pétrole, à partir du début des années 2000, conjugué à une demande interne en énergie croissante prive le régime de précieuses recettes fiscales.


Depuis le début du conflit, l’économie syrienne s’est contractée, avec une récession annuelle plus ou moins forte. L’année 2013 est celle qui enregistre la plus grande récession, avec une chute du PIB de 26,3 % par rapport à 2012. L’apaisement du conflit à partir de 2015 annonce un tournant avec une récession plus faible.
Variation du PIB Syrien entre 2010 et 2018
                                                     
                                                     Sources : United Nations Economic and Social Commission for Western Asia & Economic Research Forum
En 2018, le PIB était estimé à 21,2 Mds USD, soit une contraction d’environ 65 % par rapport à 2010. A titre comparatif, le PIB libanais s’est contracté de 70 % pendant la guerre civile (1975-1990), de 55 % au Koweït lors de la première guerre du Golfe (1990-1991) et de 35 % en Irak pendant l’intervention militaire américaine de 2003. En 2018, l’absence d’investissements significatifs dans la reconstruction et la reconquête de territoires par le régime fortement touchés par la guerre sont deux explications au recul plus soutenu du PIB par rapport aux années précédentes.

 

Pour 2019, les données ne sont pas encore disponibles mais avec des sanctions économiques toujours en vigueur et une partie non négligeable du territoire qui échappe à Damas, il est fort probable que le PIB soit toujours en récession.


Des échanges commerciaux profondément bouleversés


En 2010, la Syrie exportait 8,7 Mds USD de biens et de services à l’étranger et en importait 18,8 Mds USD. En raison de la faible valeur ajoutée de son industrie, la balance commerciale du pays fût déficitaire dans les années qui précédèrent la guerre civile.


En 2017, les exportations ne représentaient plus que 0,8 Md USD alors que les importations, après avoir atteints un minimum de 4,8 Mds USD en 2016, sont reparties à la hausse afficher 6,1 Mds USD l’année suivante. Par conséquent, le déficit commercial en pourcentage du PIB est passé de 16,6 % en 2010 à 37,3 % en 2017.


Les sanctions américaines et européennes sur divers secteurs économiques expliquent la forte dégradation de la balance commerciale. La partie suivante analyse les secteurs économiques clefs avec une estimation des pertes engendrées par la guerre civile.

2. Les secteurs clefs de l’économie gravement perturbés par la guerre civile.


L’industrie pétrolière et gazière, une production en berne qui freine la reconstruction


La production pétrolier et gazière a été fortement affectée par la guerre civile. Industrie nationalisée, la Syrian Petroleum Company détient le monopole sur l’extraction dans le pays, et contrôlait, avant le conflit, environ 55% de la production. Les entreprises étrangères assurant les 45 % restant, doivent agir sous tutelle de la SPC. Avec des réserves prouvées de 2,5 milliards de barils, la Syrie se classe au 31ième rang mondial.


Toutefois, une majorité des principaux puits de pétrole sont tombés aux mains des groupes rebelles dès la première année de la révolution, ce qui explique le passage brutal de la production de 353 000 barils par jour en 2011 au 171 000 b/j en 2012. Avec la progression de l’Etat Islamique à partir de 2014, et la reprise des principaux champs pétrolifères par les Forces Démocratiques Syriennes (milices kurdes), une majorité de la production échappe encore au Régime de Damas, qui devra composer avec une rente pétrolière amoindrie pour financer l’effort de reconstruction. Entre 2011 et 2018, le gouvernement a perdu une production d’environ 252 millions de barils, tombée aux mains de divers groupes rebelles et vendue au marché noir. Cette perte de production représente un manque à gagner estimé à 2 623 milliards de livres syriennes  pour les autorités.


La production pétrolière actuelle, d’environ 24 000 b/j , permet de répondre à environ 25 % des besoins internes. Cette situation délicate, conjuguée à l’embargo sur le pétrole syrien qui dure depuis le début du conflit, oblige le gouvernement à importer de l’or noir pour répondre à la demande intérieure. Une reprise de la production à un niveau équivalent à celui d’avant la guerre civile est à exclure sur le court/moyen terme, en raison de la dégradation des installations (puits de pétrole et oléoducs) et de la perte des capacités de raffinage. En effet, la capacité maximale théorique est de 230 000 barils par jour, mais le manque d’entretien des infrastructures pendant le conflit conjugué à la destruction partielle de la raffinerie de Homs, a réduit la production de 50 % depuis 2011.


Les autorités syriennes tentent d’accélérer le développement du gaz naturel, avec pour ambition de l’utiliser pour répondre à la demande interne et réserver le pétrole à l’export. Cette stratégie, initiée au début des années 2000, a été brutalement interrompue par la guerre civile. La production de gaz naturel a atteint un minimum en 2017, avec une production de 3,4 milliards de mètres cubes, chiffre qui se stabilise depuis cette date. Malgré la guerre civile, les principaux champs gaziers sont restés sous le contrôle de Damas, ce qui explique la plus faible diminution du gaz naturel par rapport au pétrole. Cette ressource devrait constituer un élément phare de la reconstruction avec des réserves prouvées de 300 milliards de mètres cubes en 2018. L’impact du développement de cette industrie sera toutefois limité, avec l’embargo actuel sur les hydrocarbures syriens et le manque d’infrastructures pour permettre de l’exporter facilement.

Production syrienne de pétrole (en milliers de barils par jour) et de gaz naturel (en milliards de mètres cubes)
                         

Source : British Petroleum Statistics 2019

Les sanctions actuelles sur l’exportation d’hydrocarbures syriens ne permettent pas d’envisager une reprise rapide de cette activité économique, qui restera, pendant encore un moment, à usage interne uniquement. Il est essentiel de rappeler que le marché européen représente environ 95% des exportations de pétrole syrien. A ce jour, les autorités syriennes concentrent leurs efforts pour retrouver un niveau de production permettant de répondre à la demande interne. De plus, les réserves, sur le déclin depuis plusieurs années, ne seront pas en mesure d’assurer, sur la durée, un niveau de production équivalent à celui d’avant la guerre civile.


Le secteur minier : une activité prometteuse en pleine remontée


La Syrie, hormis être un producteur important d’hydrocarbures, possède pléthores de minerais dans son sous-sol (chrome, manganèse, gypse, minerai de fer, marbre, sel gemme, asphalte…) sans que l’on ne connaisse précisément les quantités exploitables. L’exploitation de phosphate représente une majeure partie de l’industrie minière du pays avec 1 800 milliards de tonnes en réserves prouvées, soit 3 % des réserves mondiales.


C’est l’une des ressources minérales la plus affectée par la guerre civile, avec des exportations qui se sont effondrées pour être proche de 0 en 2016. Les installations minières enregistrent, à elles seules, 16 % de la totalité des destructions physiques liées à la guerre . En effet, la quasi-totalité des sites de production sont tombés aux mains de l’Etat Islamique avant d’être récupérés par le régime de Damas. Les exportations sont, aujourd’hui, de nouveau en hausse avec 328 000 tonnes exportées en 2017 et 426 000 tonnes en 2018. Des performances à relativiser, la ressource étant toujours soumises à des sanctions de l’Union Européenne. Seule la Grèce semble les avoir contournées et importe, aujourd’hui, environ 17 000 tonnes de phosphate chaque mois de Syrie (contre 5 000 tonnes en 2017). Côté production, le secteur a retrouvé 2/3 de ses capacités d’avant-guerre civile et les autorités ambitionnent d’atteindre 5 millions de tonnes d’ici à fin 2020.


Production de phosphate en tonnes

Sources : United States Geological Survey & CRU Commodities & Syrian Central Bureau of Statistics

La reprise rapide de la production est principalement due à la qualité du phosphate syrien, l’un des plus pur au monde. De fait, les investisseurs russes et iraniens ont relancé les principales mines du pays. Toutefois, la faible capacité de l’industrie syrienne à transformer le phosphate sur place, la dégradation des infrastructures de transports engendrée par la guerre civile et les sanctions imposées par l’Union Européenne sur cette ressource risquent d’affecter le secteur, qui peinera à afficher un niveau d’exportation similaire à celui d’avant le conflit sur le court/moyen terme.


A ce jour, il n’existe pas de plan économique visant à revitaliser le reste du secteur minier. La reprise de ce secteur dépendra de la levée des sanctions de l’Union Européenne et des investissements étrangers, encore timides et provenant principalement de Russie et d’Iran.


Le tourisme, un secteur de l’économie qui a quasiment disparu


Avant le début de la guerre civile, le tourisme contribuait pour 12 % du PIB et générait 3 milliards USD de revenus pour le gouvernement. Avec un pic du nombre de visiteurs de 9,5 millions en 2011, cette activité a été stoppée nette dès les premiers évènements. Entre 2011 et 2016, les revenus générés par ce secteur ont diminué de 94 %, soit des revenus estimés à 130 millions USD/an pour le gouvernement actuellement.


Sur toute la durée du conflit, sur les 10 000 sites recensés dans le pays, environ 300 ont été endommagés ou détruits. La reprise de l’activité touristique est conditionnée à la rénovation de nombreux sites, dont certains ne sont plus contrôlés par le gouvernement. Le coût des destructions de sites touristiques est estimé à plus de 3,4 Mds USD sur la période 2011-2017.


Selon des dernières données publiées par le ministère du tourisme syrien, 1,3 millions de touristes seraient rentrés sur le territoire en 2017 et 2 millions en 2018. Des performances à nuancer, puisque la très grande majorité de ces touristes proviennent des pays limitrophes pour des séjours de courtes durées (environ 88 %).


Les autorités syriennes ont publié le nombre d’entrées sur le territoire, entre 2013 et 2017, sans que l’on connaisse précisément les recettes générées par cette activité touristique. Le nombre d’entrée pour les touristes internationaux , est passé de 51 635 en 2013 à 141 960 en 2017, avec une progression constante. Il est toutefois difficile de confirmer ces performances, avec le Régime de Damas qui a pour objectif de revitaliser l’économie du pays en misant sur un retour rapide des touristes.
La reprise de ce secteur de l’économie est conditionnée à la pacification de l’ensemble du territoire ainsi qu’à d’onéreux investissements pour remettre sur pied les sites endommagés ou détruits. Il faudra sans doute plusieurs décennies pour que la Syrie redevienne une destination touristique importante.


Un secteur agricole perturbé qui menace la sécurité alimentaire


Le déplacement de millions de personnes, le conflit armé qui prive les exploitations agricoles de main d’œuvre et la destruction des infrastructures d’irrigations et de transports ont fortement impacté la production agricole. En 2020, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture estime que 7,9 millions de syriens souffrent d’insuffisance alimentaire et que 1,9 millions sont à la limite de basculer dans cette situation. En 2018, la production céréalière syrienne fût la plus faible depuis 30 ans avec 1,7 millions de tonnes produites. Les pertes totales du secteur ont été estimée à 16 Mds USD entre 2011 et 2016.


Toutefois, depuis le début du conflit, la part de l’agriculture dans le PIB a faiblement variée. Elle est estimée aujourd’hui à environ 26 % du PIB sans que l’on ne connaisse précisément la contribution exacte.  Cela n’empêche pas la production de céréales d’avoir diminué d’environ 44 % entre 2011 et 2019. Si la production enregistrait de bonnes performances dans les premières années de conflit, elle se dégrade à compter de 2014, en raison de la forte progression de l’Etat Islamique qui pratiqua volontairement une politique de terres brulées.


Production de céréales en Syrie (en tonnes)

Sources : Food and Agriculture Organization of the United Nations & Syrian Central Bureau of Statistics


La composition de la production céréalière syrienne a évolué pendant le conflit. Alors que le blé représentait 80 % de la production en 2011, ce pourcentage est tombé à 70 % en 2019, au profit de l’orge et du maïs, moins gourmand en eau. En 2019, même si les données ne sont que des estimations à ce stade, la situation montre une légère amélioration avec une augmentation de la surface des terres cultivées dans le pays et une meilleure gestion de la ressource en eau.  Cela reste cependant insuffisant pour enrayer l’insécurité alimentaire et une reprise durable de l’agriculture syrienne nécessitera de lourds investissements dans les infrastructures d’irrigations et une optimisation de l’utilisation des ressources en eau .


Le cas de la production du coton


Le cas du coton est également intéressant à explorer. En effet, la Syrie était, avant la guerre civile, un gros producteur avec une ressource utilisée par l’industrie textile locale. De 212 000 tonnes en 2011, la production a décliné par la suite pour atteindre environ 17 000 tonnes en 2018.


La production a diminué dès la première année du conflit, avec une régression particulièrement nette entre 2014 et 2015. L’Etat Islamique s’est emparé de la grande majorité des ressources pour les revendre au marché noir et contourner l’embargo sur la matière première. Les exportations réalisées par le Régime de Damas ont, quant à elles, subies une forte variation, passant de 2 000 tonnes en 2010 à 50 000 tonnes en 2013 pour décroitre de nouveau et atteindre 3 000 tonnes en 2019. La hausse des exportations pendant le conflit s’explique par l’arrêt des industries textiles, obligeant les autorités à exporter une majorité de la production brute de coton.


Si la production de coton peut reprendre rapidement, il est estimé que 70 % des installations textiles industrielles ont été détruites pendant le conflit. De fait, une renaissance rapide de ce secteur industriel semble à exclure, ces installations nécessitant d’importants investissements pour reprendre la production. La question de l’eau, désormais devenue centrale, conjuguée à la destruction des infrastructures de production laissent supposer que ni le coton, ni l’industrie textile redeviennent des secteurs clefs de l’économie. Focaliser les ressources hydriques sur la production de denrées alimentaires, tout en limitant le gaspillage de la ressource semble être une voie à privilégier pour écarter le risque d’insécurité alimentaire.


3. Une reprise économique dépendante des investissements étrangers


Des partenariats clefs avec la Russie et l’Iran


Fin 2017, l’ONU estimait le coût total pour la reconstruction du pays à 250 Mds USD, chiffre qui a probablement encore augmenté aujourd’hui. Avec des revenus gouvernementaux estimés à 1 Md USD en 2017, le gouvernement syrien ne dispose pas de ressources suffisantes pour financer la reconstruction. Pour y parvenir, le régime de Damas pourrait miser sur les transferts de la diaspora installée à l’étranger (environ 5,6 millions de syriens ont fui le pays depuis 2011, soit plus de 26 % de la population de 2010). Toutefois, les différentes estimations existantes à ce sujet misent sur 1 à 2 Mds USD chaque année, somme bien insuffisante pour revitaliser rapidement l’économie dévastée par le conflit.


Il faudra donc miser sur les investissements étrangers, notamment ceux provenant de Russie et d’Iran. En 2015, l’aide financière russe au régime était estimée à 1,6 Md USD (hors coût de l’intervention militaire russe), sans que l’on connaisse précisément le montant alloué à chaque secteur économique. Le gouvernement russe a également annoncé, fin 2019, un investissement de 500 M USD sur les quatre prochaines années pour le port de Tartous. L’objectif est d’en faire un centre industriel qui doit permettre de relancer l’économie du pays.


Depuis 2013, Téhéran a accordé trois généreuses lignes de crédit d’un montant total de 6,6 Mds USD. Il est cependant difficile de précisément estimer les investissements iraniens en Syrie.


La Chine montre également un intérêt pour le pays, dans le cadre de ses Nouvelles routes de la Soie. Les autorités chinoises prévoient une aide globale de 23 Mds USD pour la région Afrique du Nord et Moyen-Orient, avec toutefois une incertitude sur la somme exacte qui sera allouée à Damas. Les investissements privés chinois sont, quant à eux, estimés à 2 Mds USD, mais sans connaître les industries concernées. Cependant, il ne s’agit, à ce stade, que d’effets d’annonces et aucun investissement n’a encore eu lieu.


Des perspectives peu prometteuses malgré les atouts du pays.


A ce stade, si le régime de Bachar Al Assad semble s’accrocher au pouvoir, les tensions ethniques exacerbée par le conflit mettent à mal une reconstruction politique durable. Sans stabilité politique, il est difficile d’envisager une reprise économique majeure.


La reconstruction des centrales thermiques est une priorité pour le régime de Damas pour deux raisons :
–    Les entreprises et les particuliers consomment de l’électricité toute l’année, ce qui permet au gouvernement de générer des revenus stables.
–    Le gouvernement peut augmenter ses réserves de changes en vendant de l’électricité aux pays voisins.

De fait, des accords ont été signés avec la Russie et l’Iran pour remettre en service les centrales thermiques syriennes, via du transfert de technologie et des aides financières. En 2018, le gouvernement syrien a également signé un accord avec le Liban, permettant d’exporter 100 MW d’électricité chaque année pour un revenu annuel estimé à 266 M USD.

Ce premier résultat, bien qu’encourageant, reste insuffisant pour restaurer le reste de l’économie. Les principaux axes de transports sont encore soit endommagés soit détruits. Le gouvernement devra, dans un premier temps, apaiser ses relations diplomatiques avec ses voisins, notamment la Turquie, pour inciter ces-derniers à investir dans le pays. La réouverture et sécurisation des frontières constitue le premier objectif afin de permettre aux échanges commerciaux de reprendre.

                                                                Matrice FFMO (Forces, Faiblesse, Opportunités, Menaces) de l’économie syrienne
                                                                     
                                                                                                             Sources : Divers articles de presse

 

Conclusion


L’économie syrienne, lourdement impactée par la guerre civile, semble ne pas afficher de reprise pérenne. La destruction massive des infrastructures essentielles et la frilosité des investisseurs étrangers en raison de l’instabilité politique persistante ne laissent pas présager une reprise de l’activité économique durable avant, au moins, une longue décennie. Sans une solution politique internationale, les sanctions en vigueur resteront d’actualité et les investissements étrangers resteront marginaux et focalisés sur quelques secteurs stratégiques, mettant à mal une possible diversification de l’économie.


Les succès récents (vente d’électricité au Liban et investissements russes dans l’industrie minière) sont encourageants mais encore insuffisants. Un plan national de reconstruction des infrastructures de transports (routes, ferroviaires, aéroports, ports…) pourrait constituer une première phase en permettant un meilleur acheminement des biens de première nécessité (produits alimentaires notamment).

BIBLIOGRAPHIE
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