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La reprise économique en Zone Euro commence à montrer des signes d’essoufflement (Note)

Résumé :
•    Le choc de la Covid-19 a conduit à une récession d’une ampleur historique en zone euro aux 1er et 2e trimestres 2020 du fait de l’introduction de mesures de restrictions et de confinement, qui ont mis en sommeil une partie de l’activité économique. La levée progressive de ces mesures a été suivie d’un rebond rapide de l’activité depuis le mois de mai, même si des signes d’essoufflement sont apparus depuis août, en particulier dans les pays du Sud de la zone euro.  
•    Par rapport aux crises précédentes, la combinaison entre le policy mix (combinaison de politiques budgétaires et monétaires accommodantes) et un secteur bancaire plus résilient qu’auparavant pourrait permettre de rattraper le niveau d’activité d’avant crise plus rapidement.
•    Le taux d’épargne des ménages en zone euro a doublé, passant de 12 % du revenu disponible brut au T4 2019 à 24 % au T2 2020. Ce pic inédit du taux d’épargne résulte des mesures de confinement qui ont empêché les ménages de consommer, alors que leurs revenus ont été en grande partie préservés par la mise en place de stabilisateurs automatiques. Un des enjeux clés de la reprise économique réside dans la mobilisation de cette « épargne forcée ». En effet, si celle-ci se transformait en davantage d’épargne de précaution, cela pourrait pénaliser la confiance des ménages et leur consommation.
•    Malgré l’ampleur de la crise, le marché du travail a fait preuve de résilience, les entreprises ayant largement fait appel au dispositif d’activité partielle mis en place ou étendus dans de nombreux pays. Néanmoins, la levée progressive de ces dispositifs entrainera une dégradation du marché du travail avec retard.


Utilité de l’article : Cet article revient sur l’ampleur de la crise de la Covid-19 en Zone Euro. Cette note montre aussi l’importance des anticipations des agents économiques face dans le redressement de l’activité.

 

 


Après avoir connu une récession historique sur la première partie de l’année, la Zone Euro a connu un rebond de l’activité qui est désormais menacé par ce risque de deuxième vague avec des mesures de restrictions qui risque de pénaliser à nouveau l’activité.


1. Reprise économique : le rebond débuté au mois de mai montre des signes d’essoufflement
L’évolution de l’activité en zone euro depuis de début de la pandémie peut être décomposée en trois périodes bien distinctes :
(1) l’arrêt partiel (voir total dans certains secteurs comme la culture, l’évènementiel, l’hôtellerie/restauration ou le transport) des économies entre mars et mai pendant la période de confinement ;
(2) le rebond de l’activité qui s’est révélé plus fort qu’attendu entre mai et juillet à la suite de l’amélioration de la situation sanitaire et la levée des mesures de restrictions et ;
(3) l’apparition de signaux suggérant un essoufflement de la reprise depuis le début du mois de septembre, en lien avec la mesure épidémique et la remise en place de mesures de restrictions.
Phase 1 : Le choc de la Covid-19 a conduit à une contraction historique de l’activité en zone euro aux 1er et 2e trimestres 2020 du fait de l’introduction de mesures de restrictions et de confinement (graphique 1 et 2), qui ont mis en sommeil une partie de l’activité économique (-3.7% en variation trimestrielle – VT – au T1 2020 et -11.8% en VT au T2). Sur l’ensemble du premier semestre 2020, la chute de l’activité s’établit à -15.1% par rapport au T4 2019.


 


Phase 2 : Lors de la baisse progressive des mesures de restriction, l’activité a connu une phase de reprise depuis le mois de mai. Le déconfinement a permis le rebond rapide d’une grande partie de l’activité économique via la reprise de la consommation des ménages (graphique 2) et dans une moindre mesure une reprise de l’investissement. Ce rebond de l’activité a été favorisé par les mesures de soutiens monétaires (cf. Pinter, 2020) et budgétaires qui ont permis de limiter l’ampleur de la crise. Les mesures de soutien à la trésorerie des entreprises, le plus souvent par des garanties de crédit aux entreprises (cf. Brault, 2020), ont permis d’éviter de nombreuses défaillances, tandis que les dispositifs de type chômage partiel, qui ont été mis en place ou renforcé dans de nombreux pays, ont limité les pertes de revenus pour les ménages et les destructions d’emploi.
Phase 3 : Depuis la fin de l’été, la reprise économique de la zone euro commence à montrer des signes d’essoufflement, du fait de la dégradation de la situation sanitaire (graphique 3) et de la réintroduction de mesures de restriction. Le secteur industriel fait preuve d’une certaine résilience en arrivant à un niveau d’activité qui représente 95 % en juillet du niveau de décembre 2019 (graphique 2) avec une confiance des industriels qui est revenu au niveau d’avant crise. Toutefois, l’activité dans les services (tourisme, hôtellerie/restauration, évènementiel) semble de nouveau au ralenti en zone euro en septembre selon les enquêtes PMI qui indiquent une contraction dans les services alors que celles de la Commission Européenne demeurent un peu moins pessimistes et suggèrent une reprise plus graduelle (graphique 4).
Les indices d’activité PMI finaux de septembre ont confirmé que la maîtrise de l’épidémie reste un enjeu économique majeur. Les pays qui ont dû mettre en œuvre de nouvelles restrictions fortes ont vu leurs indices PMI revenir en territoire de contraction (niveau inférieur à 50). L’Espagne est l’exemple le plus marquant avec un indice en net recul en septembre (44,3 après 48,4 en août) alors que le gouvernement a procédé à des reconfinements locaux (une partie de la région de Madrid notamment) depuis fin août. L’Allemagne surperforme ses voisins notamment grâce à une meilleure maîtrise de l’épidémie. La reprise épidémique et la réintroduction de mesures de restrictions suggère un ralentissement dans la reprise de l’activité. Le consensus Bloomberg prévoit une hausse de 8,4 % au T3 et seulement 2,3 % au T4 2020.

 


Selon les projections des principales institutions (Eurosystème, OCDE) publiées en septembre, la croissance de la zone euro reculerait de l’ordre de -8 % en 2020. Si plusieurs économies de la zone euro évoluent désormais à un niveau proche de 95 % de leur niveau d’avant crise, le retour à ce niveau pourrait ne pas intervenir avant 2022, voire 2023 pour certains pays comme l’Espagne (cf. projections macroéconomiques de la Banque d’Espagne).  
Dans un récent article, De Grauwe P. et Yuemei Jiont ont comparé la crise de la Covid-19 avec celles de 1929 (Great Depression) et de 2008 (Great Financial Crisis). Ils observent que la crise actuelle a entraîné à la fois des chocs négatifs de l’offre et de la demande, ce qui ont entraîné une contraction de la production industrielle d’une ampleur sans précédent. Cependant, la combinaison de politiques budgétaires et monétaires accommodantes et d’un secteur bancaire malgré tout fragilisé  mais plus résilient qu’auparavant a permis un rebond plus rapide de l’activité économique à la suite du choc du coronavirus par rapport aux deux grandes crises précédentes.

2. Épargne des ménages et dégradation à retardement du marché du travail
Le taux d’épargne des ménages en zone euro a doublé, passant de 12 % du revenu disponible brut au T4 2019 à 24 % au T2 2020 (graphique 5). Ce pic inédit du taux d’épargne résulte des mesures de confinement qui ont empêché les ménages de consommer, alors que leurs revenus ont été en grande partie préservés par la mise en place de stabilisateurs automatiques. Un des enjeux clés de la reprise économique réside dans la mobilisation de cette « épargne forcée ». En effet, si celle-ci se transformait en davantage d’épargne de précaution, cela pourrait pénaliser la confiance des ménages et leur consommation (graphique 6).

 

Malgré l’ampleur de la crise, le marché du travail a fait preuve de résilience, les entreprises ayant largement fait appel au dispositif d’activité partielle mis en place ou étendus dans de nombreux pays. Ainsi, l’ajustement de l’emploi au choc d’activité est resté assez limité au 1er semestre 2020, avec des destructions d’emplois concentrées dans l’emploi intérimaire et au non-renouvellement de contrats courts. L’emploi a diminué de 2,9 % au T2 2020 en VT, après -0,3 % au T1 2020 en VT et le taux de chômage en zone euro (exprimé en % de la population active) n’est passé que de 7,2 % au mois de mars à 7,9%  au mois de juillet. L’amortissement du choc sur l’emploi s’explique principalement par la mise en place des mesures de chômage partiel qui ont joué un rôle de stabilisateur automatique. Les données et estimations des instituts nationaux de statistiques, de l’OCDE et de la BCE montrent qu’au cours du pic de la Covid-19 (avril-mai), environ 20 % de l’ensemble des salariés étaient en chômage partiel en Allemagne et en Espagne, tandis qu’en Italie et en France, la part des salariés en activité partielle a culminé à 35-40 %, soit plus de 25 millions de personnes dans les quatre principaux pays de la Zone Euro. Le marché du travail va se dégrader dans les prochains mois avec des pertes d’emplois dans les entreprises en difficultés ou en faillites ce qui aura un impact direct sur le taux d’emploi.
Les jeunes actifs seront les premiers affectés par la dégradation du marché du travail (voir S. Nevoux, 2020). Selon une étude de l’Organisation internationale du travail, la pandémie va avoir un impact « dévastateur et disproportionné ». En plus des défis de long terme qui existent dans l’insertion des jeunes actifs, la crise de la COVID-19 touche fortement les jeunes de trois façons : (1) un désordre de l’éducation et la formation, qui pourrait réduire les possibilités de qualification, d’emploi et de revenus futurs ; (2) la vague actuelle de pertes d’emplois et la hausse de taux défaillance d’entreprise qui jouent aussi un effet sur l’emploi et les revenus futurs et (3) l’émergence de plus grands obstacles à la recherche d’un emploi, à l’intégration dans le marché du travail. De façon plus concrète, certains ont peu connaitre un licenciement durant leurs périodes d’essai sur la période récente, d’autres connaissent des difficultés à entrer sur le marché travail. En effet, plusieurs entreprises ayant ralenti leur investissement pourraient revoir fortement à la baisse le recrutement des jeunes.