Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

L’assurance-vie : un placement clé pour assurer le financement de la TEE ? (Note)

Utilité de l’article :cet article explique en quoi l’assurance-vie pourrait servir de cadre permettant d’assurer le financement de la transition énergétique et écologique (TEE). 

 

Résumé :

 

  • La transition énergétique nécessite de mobiliser des capitaux sur des horizons de long terme dans des secteurs en lien avec la production d’énergies renouvelables.
  • L’assurance-vie est le produit d’épargne financière plébiscité par les français. Son régime fiscal incite les épargnants à effectuer des placements sur une durée longue.
  • Le contexte économique et réglementaire actuel a contribué à développer l’offre d’Unités de Comptes « durables », permettant de financer la transition écologique et énergétique (TEE).
  • Les assureurs accélèrent leurs investissements dans la transition énergétique et écologique.

 

 

 

La transition écologique et énergétique (TEE) est définie comme la transformation d’un système énergétique reposant sur des énergies fossiles en un mix basé sur les énergies renouvelables.

Cette transformation nécessite de mobiliser d’importants moyens financiers sur des horizons de long terme dans des secteurs concernés directement ou non par la production énergétique.

Tous les acteurs de la vie économique doivent être mis à contribution pour mener à bien cette transition et notamment les acteurs du secteur financier. Les assureurs peuvent apporter leur contribution en investissant directement dans la TEE ou en orientant les placements de leurs clients dans ce sens.

Avec près de 1 800 milliards d’euros d’encours à la fin de l’année 2020, l’assurance-vie est aujourd’hui le produit d’épargne financière « star » proposé par les assureurs. Il est également reconnu comme étant le placement « préféré » des français. Actuellement, 77 %de ces encours (soit environ 1 400 Mds d’euros) sont investis directement par les assureurs via des fonds en euros[1]. Les 23 % restant, soit 400 milliards d’euros environ, sont investis par le client lui-même via des contrats en unités de compte[2] (source : FFA).

 

Ainsi, la responsabilité de l’investissement dans la TEE est en majeure partie portée par l’assureur, mais dépend également du comportement et des convictions des assurés quant à l’orientation de leurs investissements. La responsabilité des assurés a toutefois été renforcée ces dernières années par la hausse des encours investis en unité de compte.

Il est clair qu’avec un encours aussi considérable, l’assurance-vie représente une source financière non négligeable permettant d’investir dans la transition énergétique et écologique.

Au-delà de cet aspect quantitatif, l’assurance-vie pourrait-elle vraiment devenir le placement d’épargne financière clé pour l’investissement dans la transition énergétique ? Sa structure juridique et fiscale est-elle adaptée à de tels investissements ? Le cadre économique et financier actuel est-il une opportunité ou une menace pour mettre l’assurance-vie au service d’une transition énergétique et écologique réussie ?

 

1)    Un régime fiscal incitatif à l’investissement de long terme

En guise de rappel, l’assurance-vie reste, malgré les réformes menées ces dernières années, un instrument incontournable pour assurer la transmission de son patrimoine. Le placement offre la possibilité de transmettre un capital en étant totalement exonéré d’impôt[3] dans le cadre d’une transmission à un conjoint et avec un abattement conséquent dans le cadre d’une succession. L’assurance-vie offre en outre une fiscalité avantageuse, notamment sur les plus-values réalisées qui sont exonérées d’impôt[4] au-delà de 8 ans de détention du contrat.

Ce dispositif fiscal a un impact significatif sur les stratégies de placement. Il incite notamment au rallongement de la « duration[5] » ou « durée de vie moyenne » des placements effectués dans les contrats.

En effet, les exonérations d’impôts ainsi que les abattements offerts dans le cadre d’une succession incitent les assurés à conserver leurs contrats jusqu’à la transmission.

Dans beaucoup de cas, celle-ci s’effectue à un âge avancé lorsque, l’assuré détient son contrat depuis de nombreuses années. Cet âge pourrait d’ailleurs évoluer ces prochaines années avec l’allongement de l’espérance de vie. Le dispositif fiscal incite toutefois les assurés à transmettre leur capital le plus tôt possible en offrant des abattements plus intéressants sur les versementseffectués avant l’âge de 70 ans.

Outre les avantagesliés à la transmission, la fiscalité des plus-values incite également les assurés à rallonger la durée de détention des contrats. Les plus-values étant exonérées d’impôt[6] au bout de 8 ans seulement, les assurés sont ainsi encouragés à détenir leurs contrats au-delà de cet horizon de temps pour pouvoir réduire leurs charges fiscales.

Comme évoqué dans l’introduction de cet article, le financement de la transition énergétique nécessite justement de mobiliser des moyens financiers sur des horizons de long, voire de très long terme.En effet, les échéances de renouvellement du mix énergétique sont fixées à 2050 par le gouvernement dans le cadre de sa stratégie « national bas-carbone ».

Grâce à son dispositif fiscal, l’assurance vie semblerait donc être un placement adapté aux exigences du financement de la TEE.

Au-delà d’instaurer un cadre favorable et incitatif à l’investissement de long terme, l’assurance-vie doit également être en mesure de proposer une offre satisfaisante de produits d’investissements contribuant à transformer notre mix énergétique.

La responsabilité de la structuration de cette offre appartient aux acteurs du secteur financier et plus particulièrement aux assurances qui commercialisent les contrats. Les pouvoirs publics peuvent également créer un cadre réglementaire incitatif à l’investissement dans de tels produits.

 

2)    La finance « verte » en plein essor

Selon le ministère de l’économie et des finances : « La finance verte est une notion qui définit les actions et opérations financières favorisant la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique ».

Ainsi, l’objectif des produits financiers dits « verts » est d’assurer l’allocation de ressources dans l’économie en prenant en compte les aspects environnementaux des investissements effectués. Actuellement, les produits financiers plébiscités pour le financement de la transition énergétique sont les « green bonds » (obligations vertes en français). Le fonctionnement des « green bonds » est relativement proche de celui des obligations classiques (voir le schéma en annexe 1), à la différence qu’elles ont pour unique objectif de financer un projet bien défini lié à la transition écologique et énergétique. La première « green bond » a été émise en 2007 par la banque européenne d’investissement (BEI). Cependant les émissions de ces produits n’ont décollé qu’à partir de 2015 à la suite des accords de Paris comme le montre le graphique ci-dessous.

 

Historiquement, la plupart des obligations vertes étaient émise par des Etats. La France était d’ailleurs la championne des émissions en juin 2019 (voir le graphique en annexe 2), mais depuis 2017, les entreprises commencent également à devenir émettrices. Cette diversification des émetteurs est positive et témoigne du potentiel d’amélioration de l’offre de produits « verts ». Outre, les obligations vertes, d’autres produits ont également été créés pour permettre aux acteurs économiques de financer leur transition, tels que les fonds environnementaux. Ces fonds sont des placements financiers principalement constitués d’actions ou d’obligations, mais peuvent également contenir des infrastructures telles que de l’immobilier ou des forêts. Tout comme les « green bonds », ces fonds ont pour principal objectif de financer la TEE. On peut constater ci-dessous que l’offre de ce type fonds a connu une croissance fulgurante depuis 2018 en Europe.

 

 

                                                    Sources : Novethic

 

Outre l’émergence d’un marché de produits financiers « verts », la création de labels tels que « Greenfin[7] » a également permis de structurer l’offre de ces produits. « Greenfin » est un label mis en place et soutenu par le ministère de la transition écologique et solidaire. Il garantit aux investisseurs que les produits auxquels ils souscrivent contribuent effectivement au financement de la transition énergétique et écologique. L’audit de ce label est effectué par Novethic (filiale du groupe Caisse des Dépôts et Consignations) qui a pour mission d’attribuer ou non le label aux produits financiers audités et ainsi de mesurer leur « qualité verte ».

Dans la même logique, des agences de notation extra-financières ont également été créés afin d’auditer les entreprises sur la qualité de leur démarche environnementale, sociétale et de gouvernance (ESG). En établissant des notations sur les performances extra-financières des entreprises, ces agences de notation permettent d’évaluer si les produits financiers que les entreprises auditées émettent peuvent être considérés comme « responsable » ou non.

Cette approche de notation n’est toutefois pas basée exclusivement sur le critère environnemental et le financement de la TEE, mais pousse tout de même à améliorer la transparence des pratiques des entreprises.

Le développement du marché de la finance « verte » a donc permis de structurer une offre à destination des investisseurs potentiellement intéressés par le financement de la TEE. Le développement de ce marché permet aux assureurs de disposer en aval d’un large choix de produits à proposer dans les contrats d’assurance-vie.

 

3)    Des assureurs encouragés à proposer des unités de comptes « vertes »

La loi PACTE promulguée en mai 2019 au journal officiel a pour principale ambition de dynamiser l’économie française en soutenant la croissance et la transformation des entreprises.

Outre son volet économique, la loi PACTE comporte également des ambitions écologiques et souhaite favoriser le financement de la transition énergétique. Fin 2019, l’encours d’Unités de Comptes « durable[8] » logé dans les assurances vie s’élevait à environ 25 Mds€ (source : FFA), soit environ 6 % de l’encours total des UC détenus en assurance-vie, un chiffre que la loi PACTE entend faire progresser en incitant les français à investir leur épargne dans des produits de finance « verte » ou « durable ».

En conséquence, depuis 2020, les assureurs sont tenus de proposer au moins un fond labellisé dans leur offre de contrats en Unité de Comptes. Cette obligation sera d’ailleurs étendue à trois fonds à partir de 2022 : les assureurs auront ainsi l’obligation de proposer au moins un fond labélisé « ISR[9] » et deux autres fonds comportant notamment le label « Greenfin » ou « Finansol ». En complément, les assureurs seront également tenus d’informer les épargnants sur le pourcentage d’UC labélisées présentes dans leurs contrats.

Afin d’aider les épargnants à comprendre cette nouvelle offre, la Fédération Française de l’Assurance (FFA) a, par ailleurs, créé un « guide » de l’investissement responsablequi revient sur les différents labels d’épargne « durable » existants et explique les enjeux de la loi PACTE et de l’épargne responsable.

Ce type de réglementation décrit plus haut a déjà été mis en place pour l’épargne salariale et l’épargne retraite collective au cours des années 2000. En effet, la loi Fabius de 2001, puis la loi de modernisation de l’économie en 2008 ont contraint les entreprises à proposer au moins un fond « solidaire » dans le cadre du PEE et du PERCO. Les résultats de la mise en place de ces dispositifs réglementaires sont encourageants, car l’épargne labélisée « ISR » représente aujourd’hui environ 15 % de l’épargne salariale. Comme évoqué précédemment, l’épargne solidaire ne regroupe pas seulement des produits à thématiques environnementales, mais cela montre bien un certain intérêt des investisseurs pour l’épargne de conviction. Cet intérêt pourrait certainement se retrouver dans le cadre des placements en assurance-vie.

Même si loi PACTE ne contribue pas spécifiquement à orienter les investissements vers la thématique environnementale, elle incite tout de même les assureurs a proposé des UC permettant de financer la TEE. Avec une offre conséquente de produits et des incitations juridiques imposées aux assureurs, l’assurance-vie pourrait donc constituer un placement clé pour assurer le financement de la transition énergétique et écologique. Toutefois s’ils peuvent fortement encourager leurs clients à placer leur épargne dans des investissements « verts », les assureurs peuvent également agir de leur côté sur leurs propres investissements.

 

4)     Les assureurs incités à « verdir » leurs investissements

La Cour des Comptes Européens évalue à 11 200 Mds d’euros le coût de la transition énergétique en Europe entre 2021 et 2030, soit environ 145 Mds d’euros d’investissements à réaliser par an sur cette période en France[10]. Mobiliser de tels montants est un défi de taille.   Compte tenu de leurs statuts particuliers « d’investisseurs à long terme », les assureurs doivent être mis à contribution pour financer des investissements « verts » permettant d’assurer la transformation de notre mix énergétique.

Bien que les informations sur les parts de fonds en euros investis dans des placements « verts » ne soient pas encore disponibles, l’évolution de l’investissement global des assureurs dans ce type de placements est plutôt encourageante. Comme en témoigne le graphique ci-dessous, entre 2018 et 2019, le montant des investissements verts effectués par les assureurs a progressé de 51 % pour atteindre 92 Mds d’euros fin 2019[11].

 

                                    Source : FFA

 

En 2019, les actifs « verts » détenus par les assureurs représentaient 3,5 % de leurs actifs totaux, ce qui laisse tout de même une marge de manœuvre conséquente pour réaliser des investissements supplémentaires dans ce type de support.

Outre leurs engagements croissants dans les supports « verts », les assureurs commencent également à se désengager des investissements dans les énergies fossiles. En effet, entre 2018 et 2019, les assureurs ont « désinvestis » environ 1,3 milliards d’euros (sources : FFA) dans le secteur du charbon. A la fin de l’année 2019, leur exposition dans ce secteur représentait 0,5 % de leurs actifs (sources : FFA), soit une part sept fois moins élevée que leurs investissements en actifs « verts » ; c’est une évolution plutôt encourageante.

Enfin, dans le cadre de la loi PACTE promulguée en 2019, les sociétés d’assurance auront l’obligation à partir de 2022 de :

 

–       Présenter dans le cadre de leur relevé annuel la façon dont ils intègrent les facteurs environnementaux et sociaux dans leur politique d’investissement,  

–       Quantifier la part de fonds en euros investis dans des placements solidaires, socialement responsables et finançant la transition énergétique.

Ces rapports ne porteront pas exclusivement sur l’investissement dans la transition énergétique, mais permettront tout de même se faire une idée sur les investissements des assureurs en terme environnemental. Ils peuvent par ailleurs faire l’objet d’une bonne source d’incitation à investir dans la TEE.

Même si des progrès peuvent encore être réalisés, les assureurs semblent avoir pris conscience de l’enjeu des investissements dans la transition énergétique et de l’importance du désinvestissement dans les secteurs liés aux énergies fossiles. Le durcissement de la loi PACTE à partir de 2022 devrait égalementles inciter à augmenter leurs efforts.

 

Conclusion

Compte tenu du cadre réglementaire mis en place par le gouvernement et de l’essor du marché de la finance verte, l’assurance-vie pourrait bien devenir un support clé du financement de la transition écologique et énergétique. Son régime fiscal est totalement en phase avec la logique d’investissement dans la transition énergétique. Les offres de finance « vertes » commencent à se faire de plus en plus abondantes, les assureurs sont incités à proposer ces offres dans leurs contrats en unité de comptes et accélèrent leurs investissements dans la TEE.

En incitant les assureurs à proposer des unités de comptes labélisés dans leurs offres, le gouvernement entend stimuler l’offre de produits « verts ». Cependant, une stimulation de la demande pour ces produits dans le cadre de l’assurance-vie pourrait également s’avérer judicieuse. A titre d’exemple, pour favoriser les placements « verts », le législateur pourrait créer un abattement majoré sur les plus-values issues de ces placements et/ou un avantage successoral sur les capitaux « verts » transmis par succession.

 


 

Références :

 

Fédération Française de l’Assurance (FFA), dossier de presse : Les assureurs, acteurs de la relance durable : les chiffres de l’assurance en 2020 (PDF), 24 Mars 2021

 

https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc

 

https://about.bnef.com/blog/record-month-shoots-green-bonds-past-trillion-dollar-mark/

 

https://www.generali.fr/actu/finance-verte/

 

https://www.novethic.fr/lexique/detail/label-teec.html

 

https://www.novethic.fr/finance-durable/publications.html

 

La loi PACTE veut pousser l’assurance-vie à financer la transition énergétique

https://www.novethic.fr/actualite/finance-durable/isr-rse/la-loi-pacte-veut-pousser-l-assurance-vie-a-financer-la-transition-energetique-147108.html

 

 

Fédération Française de l’Assurance (FFA), « Épargner responsable grâce à mon assurance-vie… c’est possible ! »

 

Loi PACTE : les 3 changements à attendre du côté de votre épargne et du financement des entreprises : https://www.economie.gouv.fr/loi-pacte-changements-epargne-financement-entreprises#

 

La loi PACTE : pour la croissance et la transformation des entreprises : https://www.economie.gouv.fr/loi-pacte-croissance-transformation-entreprises

 

Fonds d’épargne entreprise : la vertu gagne du terrain :

https://www.lesechos.fr/2018/03/fonds-depargne-entreprise-la-vertu-gagne-du-terrain-987222

 

https://www.connaissancedesenergies.org/tribune-actualite-energies/transition-energetique-quel-cout-et-quelles-mesures-prioritaires

 

https://www.ffa-assurance.fr/etudes-et-chiffres-cles/assurance-et-finance-durable-chiffres-cles-20

 

Annexes 1 : fonctionnement général d’une obligation verte

 

 

 

Sources : Investiforum

 

 

 

Annexes 2 : les 15 plus gros émetteurs de Green bonds en juin 2019

 

 

Sources : Climate bond Initiative



[1] Le fond en euros est un support financier sécurisé sur lequel le souscripteur d’un contrat d’assurance-vie peut investir son épargne. Il est géré par l’assureur et comporte, dans la plupart des cas, une garantie en capital. Les fonds en euros sont principalement investis en obligations.

 

[2] Le contrat en unité de compte (UC) est un support financier non-garanti en capital, dont le choix d’investissement est effectué par l’assuré. Les contrats en unité de compte sont généralement investis dans des actions ou des placements immobiliers.

[3] Hors prélèvements sociaux

[4] Hors prélèvement sociaux également

[5] Duration : durée de vie moyenne des flux d’un placement financier pondérée par leur valeur actualisée. Plus la duration est élevée plus l’horizon de placement est important.

[6] Hors prélèvement sociaux

[7] Anciennement TEEC

[8]Les produits de finance « durable » regroupent des thématiques d’investissements plus larges que les produits de finance « vertes » qui se concentrent essentiellement sur la TEE et les problématiques liées à l’environnement.

[9] Investissement socialement responsable : est un label de finance « durable »

[10] Calcul effectué en fonction du poids du PIB Français par rapport au PIB européen global.