Résumé :
– Le montant total des prêts étudiants américains a augmenté depuis 2008 et s’élève dorénavant à près de 1 000 milliards de dollars, soit environ 750 milliards d’euros.
– La dette moyenne par étudiant universitaire aux Etats-Unis est de 25 000 dollars.
– Un endettement moyen de 25 000 dollars représente entre 60% et 75% du salaire annuel moyen d’un jeune diplômé du supérieur aux Etats-Unis selon les Etats.
L’actualité économique récente aux Etats-Unis a largement été dominée par les considérations portant sur la reprise économique, l’évolution de la politique monétaire ou encore les risques d’un désaccord politique sur le budget. L’ensemble de ces sujets ont occulté l’évolution inquiétante des prêts étudiants. Si cette évolution n’est pas comparable à celle ayant mené à l’éclatement de la crise globale avec les prêts hypothécaires, il n’en demeure pas moins que les menaces sur l’économie sont réelles.
L’évolution des prêts étudiants aux Etats-Unis….
Le montant total des prêts étudiants américains a fortement augmenté. En effet, depuis 2008, l’encours (stock actuel de dette) des prêts étudiants a augmenté de +50% et s’élève dorénavant à près de 1 000 milliards de dollars, soit environ 750 milliards d’euros. Ainsi, la dette moyenne par étudiant universitaire aux Etats-Unis est de 25 000 dollars. Dans ce cadre, le montant total des crédits étudiants sont certes inférieurs aux crédits immobiliers, mais ils sont maintenant supérieurs aux autres types de crédits tels que les crédits automobiles ou les crédits à la consommation.
Les raisons qui expliquent cet emballement des prêts étudiants sont doubles :
– Tout d’abord, cette évolution traduit une hausse du coût des études avec une augmentation des frais d’entrées à l’université allant de +30% dans les établissements privés à +40% dans les établissements publics.
– La hausse de l’endettement des étudiants reflète également la chute parallèle des bourses étudiantes accordées de -20%.
La hausse des taux d’intérêts sur ces prêts a récemment augmenté. En effet, alors qu’auparavant le taux de crédit garanti par l’Etat fédéral pour les étudiants remplissant certaines conditions de ressources était de 3,4%, ce taux a été doublé depuis le 1er juillet 2013 pour s’élever dorénavant à 6,8%. La hausse du taux de crédit pour ces étudiants entraîne un surcoût moyen de 4 600 dollars par étudiant.
Le défaut de paiement atteint des niveaux inquiétants. En effet, le nombre des crédits contractés au titre du financement des études augmente progressivement année après année pour s’élever à 11% en 2012. Autrement dit, un crédit étudiant sur dix ne peut actuellement pas être remboursé correctement.
…. soulève un certain nombre de problèmes et d’inquiétudes
Les diplômés américains doivent réintégrer la cellule familiale. Au même titre que de nombreux pays développés, les jeunes générations issues du système universitaire ont du mal à s’intégrer sur le marché du travail. Aux Etats-Unis, ce phénomène a été amplifié par une conjoncture économique peu favorable avec une reprise économique en demi-teinte qui a peiné à se confirmer et qui reste pour le moment largement tributaire d’une politique monétaire exceptionnelle. Contrairement aux autres pays développés où le prêt étudiant est encore marginal, ce mode de financement des études est largement utilisé aux Etats-Unis. L’originalité de la situation américaine tient donc dans la combinaison d’un contexte économique difficile avec une charge de dette très élevée. Dans ce cadre, les jeunes diplômés sont de plus en plus nombreux à devoir retourner habiter chez leurs parents car ils n’ont pas les moyens de payer un loyer.
Le poids de la dette limite l’indépendance économique des jeunes générations. En effet, avec la charge financière liée au remboursement de leurs crédits, les jeunes diplômés doivent reporter leurs divers projets qu’ils soient économiques (achat automobile, de logement…) ou personnels (mariage, fonder une famille…). Les possibilités personnelles d’évolution sociale sont mécaniquement bridées, ainsi que le potentiel de consommation. En effet, alors que la jeunesse d’un pays et son dynamisme participent à la croissance économique d’un pays, cette dernière s’en trouve affectée. Pratiquement, au lieu de dépenser dans l’achat de biens d’équipements ou d’une maison, les jeunes diplômés consacrent l’essentiel de leurs revenus dans le remboursement de leurs crédits. Ainsi, un endettement moyen de 25 000 dollars représente 60% du salaire annuel moyen d’un jeune diplômé du supérieur aux Etats-Unis, et cela peut monter jusqu’à plus de 75% selon les Etats.
La situation impacte plus largement l’ensemble de la société. En effet, au-delà de l’endettement des étudiants, ce sont parfois les familles qui supportent le poids de l’endettement lié au financement des études de leurs enfants. Dans ce cadre, près d’un foyer sur cinq aux Etats-Unis fait face à cette problématique. De plus, notons que près de 40 millions d’individus continuent à devoir rembourser un emprunt étudiant après l’âge de 30 ans. A titre d’exemple, le Président américain, Barack Obama, et sa femme, Michelle Obama, n’ont fini de rembourser leurs prêts étudiants qu’en 2012. Enfin, notons que le doublement des taux d’intérêts sur les prêts étudiants va mécaniquement continuer à compliquer l’accès des populations les plus modestes aux études supérieures.
A long terme, les impacts peuvent s’avérer très négatifs. En effet, il convient de signaler que la hausse du poids de la dette peut décourager des personnes à investir dans leurs études, et en inciter certaines à mettre un terme aux leurs, à fortiori dans un contexte économique où les perspectives d’embauche sont faibles. Ainsi, c’est environ 30% des 20 à 24 ans qui sont actuellement inoccupés, c’est-à-dire qui n’ont pas d’emploi et qui ne sont pas engagés dans un processus éducatif. Dans ce cadre, et au-delà des implications économiques immédiates, le risque à moyen et long terme en matière de dégradation du capital humain est bien réel. Ce phénomène pourrait donc entraîner une dégradation du niveau de qualification moyen de la population américaine, avec des implications potentiellement significatives sur sa croissance économique future.
Le spectre d’une nouvelle bulle financière
Certains craignent la formation d’une bulle comme celle qui a précédé la crise globale. En effet, la dynamique des prêts étudiants ressemble sous certains aspects à celle des crédits hypothécaires (immobiliers) qui avait vu la formation d’une bulle financière. Elle avait fini par exploser en 2007, déclenchant ainsi la crise globale actuelle. L’accélération du volume des crédits étudiants et la hausse des défauts sur ces crédits peuvent accréditer cette idée.
Toutefois, les deux situations ne sont pas complètement comparables. Trois éléments viennent tempérer ces craintes :
1) Tout d’abord, si le montant des crédits étudiants est élevé (environ 1 000 milliards de dollars), il reste inférieur au montant des crédits immobiliers, et surtout il reste dix fois inférieur au niveau des crédits immobiliers avant la crise.
2) Ensuite, alors que la dette immobilière est détenue par des banques, les crédits étudiants sont majoritairement détenus par l’Etat. En effet, 80% des crédits étudiants sont garantis par l’Etat. Dans ce cadre, même en cas de défaut, cela ne serait pas susceptible de mettre en faillite un établissement bancaire comme cela avait été le cas en 2008, avec les répercussions en chaîne qui ont suivi.
3) Enfin, en cas de non-remboursement des prêts, le « prix » des études et la valeur des diplômes ne vont pas chuter, contrairement à la même situation dans le secteur immobilier. Autrement dit, dans le cas d’une vague de défauts sur les crédits étudiants, ce n’est pas cela qui constituerait une raison pour que les diplômes perdent de leur valeur sur le marché du travail. Ainsi, les étudiants auront toujours la capacité à trouver un emploi, qui pourra ensuite permettre de rembourser l’emprunt contracté. La situation est différente dans le cas du marché immobilier. En effet, une vague généralisée de défaut entraîne mécaniquement la chute de la valeur des biens, et donc une diminution parallèle du patrimoine et de la capacité de remboursement des personnes qui détiennent ces biens.