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Quelle est la place et le rôle de l’Union européenne en Amérique latine et Caraïbes (ALC) ? (Note)

Résumé :

·       Le commerce de biens entre l’Union européenne (UE) et l’Amérique latine et Caraïbes (ALC) est relativement stable (en valeur). Cependant, la Chine a dépassé le bloc européen qui n’est désormais plus que le troisième partenaire commercial de l’ALC.

·       L’UE est le principal investisseur de la région. Ses investissements sont diversifiés et se concentrent de plus en plus dans les secteurs à forte valeur ajoutée (nouvelles technologies, télécommunications, énergies renouvelables, etc.).

·       La forte présence de la diaspora latino-américaine et caribéenne au sein du bloc européen (principalement en Espagne) permet à l’Union d’être la deuxième source d’envois de fonds vers l’ALC. 

·       L’UE joue un rôle important dans la région face au repli protectionniste des USA et à la montée en puissance de la Chine dont les pays de l’Amérique latine et Caraïbes sont de plus en plus dépendants. La stratégie du bloc européen a consisté à mener une politique active en matière de négociation d’accords commerciaux.

 

Historiquement, l’Union européenne (UE) occupe une place de plan de premier plan en Amérique latine et Caraïbes (ALC). Elle est ainsi le premier investisseur et le troisième partenaire commercial de la région. Néanmoins, les dernières années ont été marquées par l’émergence de la Chine qui n’a eu de cesse de renforcer ses relations économiques avec les pays latino-américains alors que les Etats-Unis semblent s’être détournés de la région (repli protectionniste). Ces grands bouleversements géostratégiques nous amènent à réfléchir au sujet du rôle de l’Union européenne dans la région alors que le traité UE-Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay) est actuellement en cours de ratification.

 

 

 

1.    L’Union européenne (UE) est troisième partenaire commercial de l’ALC

L’UE est actuellement le 3ème client et le 3ème fournisseur de l’ALC. Elle représente 9,8 % des exportations de la région (vs. 12,1 % en 2010) et 13,3 % de ses importations (vs. 13,8 % en 2010). Le commerce bilatéral en valeur demeure quant à lui relativement stable depuis 2013.
Les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Espagne sont les trois principaux clients européens.

Néanmoins, L’UE a perdu du terrain sur la Chine au cours de la dernière décennie. Le géant asiatique est ainsi devenu le deuxième client de la région (croissance de la demande de matières premières) et le deuxième fournisseur (montée en gamme des produits chinois qui concurrencent les exportations européennes).

La balance commerciale de l’ALC vis-à-vis de l’UE est déficitaire depuis 2008 (-35 Mds € en 2019 contre -55 Mds € vis-à-vis de la Chine). Sur les quarante pays de la région, quinze sont excédentaires et vingt-cinq sont déficitaires. Le Brésil et le Venezuela présentent les plus forts excédents commerciaux (20,8 et 15,8 Mds €) grâce à leurs exportations de matières premières alors de que le Mexique et le Chili sont les pays les plus déficitaires (-28,3 et -2,2 Mds €).

Graphique 1 : Echanges commerciaux de biens ALC – UE (Mds €)

Source : Trademap (Centre du commerce international (ITC), agence conjointe de l’Organisation Mondiale du Commerce et des Nations Unies)/ Elaboration : BSI Economics

A première vue, les exportations de l’ALC vers l’UE semblent relativement diversifiées. En 2019, les dix principales catégories de produits exportées par l’ALC ne représentaient que 56,6 % de ses exportations vers l’Union (vs 91,7 % vers la Chine et 74,3 % vers les USA) (cf. tableau1)). Cependant, il s’agit principalement des matières premières et leurs dérivés (à hauteur de 75 %), bien que l’automobile, les produits de navigation maritime et fluviale ou encore les appareils et machines électriques occupent une part importante.

Tableau 1 : Part des principales catégories de bien exportées par l’ALC

*Les catégories de produits correspondent ici aux codes douaniers à deux chiffres

Source : Trademap et Cepal/ Elaboration : BSI Economics

 

2. L’Union européenne est le principal investisseur en ALC

 

L’Union européenne est le principal investisseur de la région. En 2018, elle représentait 74 % des flux IDE entrants au Brésil, 44 % en Colombie et 35 % au Mexique. En termes de stock d’IDE, parmi les 10 principaux investisseurs, cinq sont membres de l’Union (Pays-Bas nº2, Espagne nº3, France nº6, Allemagne nº7, Italie nº8).

Au-delà des montants, il est intéressant d’analyser la répartition sectorielle de ces IDE. Les investissements de l’UE sont bien plus diversifiés que les investissements chinois. Au cours de la période 2005-2017, le portefeuille d’IDE greenfield (nouveaux projets) du vieux continent a fortement évolué au profit de secteurs à forte valeur ajoutée :

       La part des énergies renouvelables est passée de 3 à 26 %. L’Espagne a réalisé 48 % des IDE greenfield de l’UE en ALC, suivie de l’Italie (10 %) et de la France (10 %).

       Le secteur des télécommunications a fortement progressé (de 16 à 32 %).

       La part de l’automobile reste importante (en moyenne 12 % sur la période). L’Allemagne est à l’origine de 54 % des IDE greenfield de l’UE dans ce secteur (Italie 19 % et France 12 %).

       Les industries d’extraction de matières premières ont chuté de 43 % à 14 %.

Par conséquent, l’Union européenne constitue un partenaire stratégique pour la région dans les secteurs à forte valeur ajoutée. A elle seule, elle est à l’origine de 65 % des IDE greenfield en valeur dans les énergies renouvelables et 68 % des investissements dans les nouveaux projets de recherche et développement. Le bloc européen est également très présent dans le secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication (cf.tableau 2).

Tableau 2 : Fusions et Acquisitions dans le secteur des hautes technologies en ALC (% numéro d’opérations réalisées entre 2005 et 2018).

Source : Trademap (Centre du commerce international (ITC), agence conjointe de l’Organisation Mondiale du Commerce et des Nations Unies) et Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL) / Elaboration : BSI Economics

 

De plus, on recensait en 2017, près de 4,5 millions d’immigrés latino-américains et caribéens vivant au sein de l’UE dont 52 % résidaient en Espagne[1]. Cette immigration représente une source de revenus importante pour la région. En effet, en 2017, les envois de fonds de ces immigrés vers leur pays d’origine ont atteint 7,4 Mds USD (58,4 % depuis l’Espagne), loin derrière les USA (61 Mds USD) mais loin devant la Chine (208 millions de dollars).

 

3. Les perspectives pour les relations bilatérales

L’Union européenne a tardé à prendre conscience de l’ampleur de l’émergence chinoise en Amérique latine et Caraïbes. La montée en gamme du géant asiatique concurrence de plus en plus ses exportations. L’élasticité de substitution augmente entre les produits européens et chinois. Pour autant, les relations UE-ALC n’ont pas vocation à disparaître.

Tout d’abord le désintérêt des Etats-Unis pour la région, redistribue les cartes. La première puissance mondiale s’est, par exemple, retirée de l’Accord de partenariat Transpacifique dont plusieurs pays latino-américains étaient signataires (Colombie, Chili, Mexique et Pérou). Parallèlement, l’ALC est de plus en plus dépendante de la Chine (commercialement et financièrement), d’où l’importance pour la région de maintenir une relation forte avec l’UE.

C’est dans ce contexte, que le bloc européen mène depuis quelques années une politique active en matière de négociation d’accords commerciaux. Elle en a négocié avec trente-trois pays de la région contre seulement onze pour les USA. Le plus important (en cours de ratification) a été  conclu avec le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) qui représentait en 2019 une population d’environ 260 millions d’habitants, un PIB de plus de 2 200 Mds € et un stock d’IDE européens de 365 Mds € en 2017. Un nouvel accord avec le Mexique a également abouti en 2018. Cette stratégie devrait permettre de renforcer les relations bilatérales grâce à la baisse des droits de douane, la réduction de barrières non tarifaires (simplification des procédures douanières), un meilleur accès aux marchés publics, etc.

Enfin, l’Union européenne et la Chine bien que concurrentes sur le marché latino-américains, peuvent jouer un rôle complémentaire :

       Les accords commerciaux avec l’UE pourraient aider les pays latino-américains et caribéens à améliorer leur standard de production. Il s’agit d’un enjeu majeur pour le futur des exportations de l’ALC vers la Chine, pour répondre à la diversification de la demande et aux exigences croissantes de la classe moyenne chinoise. L’amélioration des normes sanitaires et phytosanitaires ainsi que la traçabilité promue par l’accord UE-Mercosur, sera particulièrement importante pour que la région puisse tirer profit de l’augmentation de la demande chinoise en fruits exotiques et produits carnés pour ne citer qu’eux.

       Les nouveaux accords commerciaux conclus entre l’ALC et l’UE incluent des chapitres concernant les droits des communautés indigènes, la gestion de la faune et de la flore, la reforestation, etc. A l’inverse, dans le cadre de ses relations avec la région, la Chine n’intègre pas les problématiques liées au développement durable.  

       Malgré la diversification des investissements chinois, ces derniers restent relativement plus concentrés sur le secteur primaire alors que le bloc européen privilégie davantage les secteurs à plus forte valeur ajoutée et aux standards plus élevés.

 

Conclusion

L’Union européenne a perdu du terrain en Amérique latine et caraïbes (ALC) mais demeure le troisième partenaire commercial et le premier investisseur de la région. Ses relations commerciales mais surtout financières sont bien moins dépendantes du secteur primaire que ce que l’on observe dans le cadre des relations Chine-ALC. Une part croissante des IDE européens se concentrent dans les secteurs à forte valeur ajoutée tels que les énergies renouvelables et les télécommunications.

Par ailleurs, grâce la diaspora latino-américaine et caribéenne très présente notamment en Espagne, les envois de fonds en provenance de l’UE sont élevés alors que ceux en provenance de Chine restent marginaux. Pour renforcer ses liens avec la région, la stratégie du bloc européen a consisté à signer de nombreux accords commerciaux. Ces derniers, au-delà des bénéfices traditionnels (baisse des droits de douanes et réduction des barrières non tarifaires) poussent les pays de l’ALC à améliorer la qualité et les standards de production tout en prenant en compte les enjeux du développement durable.

 

Bibliographie

“La Inversión Extranjera Directa en América Latina y el Caribe 2019”, 2019, Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes.

“La Unión Europea y América Latina y el Caribe, Estrategias convergentes y sostenibles ante

la coyuntura global”, 2018, Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes.

“Migration and Remittances Data”, Banque mondiale.

“In focus : UE Mercosur”, Commission européenne.

“European and Chinese trade competition in third markets: the case of Latin America”, 2018, Alicia García-Herrero, Thibault Marbach and Jianwei Xu.

“China Is Challenging but (Still) Not Displacing Europe in Latin America”, 2018, GIGA German Institute of Global and Area Studies.

 

 


[1] “Migration and Remittances Database”, Banque mondiale.