Le lundi 31 janvier 2022, des experts de BSI Economics ont échangé les points de vue quant à la soutenabilité de la dette publique des pays de la Zone euro. Voici une synthèse de cette discussion.
Soutenabilité de la dette, une question de temporalité :
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À court-terme, les inquiétudes sont relativement faibles:
- En dépit d’une forte augmentation des encours de dette, les taux d’intérêt restent très bas (encore plus en termes réels). Il n’y a donc pas de hausse significative des charges d’intérêt à anticiper.
- Les pays de la Zone euro disposent d’un accès toujours facilité à des liquidités, notamment grâce à la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE). Ils seraient donc en mesure de rembourser leurs emprunts et en contracter de nouveaux.
- Les plans de relance ont été accueillis favorablement par les investisseurs. Ils n’ont pas entaché la crédibilité des pays car ils ont été jugés nécessaires pour soutenir et relancer au plus vite l’activité économique.
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À moyen-terme, les incertitudes reposent sur les décisions à venir de la BCE. En cas de hausse des taux directeurs, quel serait l’impact ?
- Une hausse des taux pourrait être perçue comme un signe que l’activité économique est suffisamment robuste pour justifier un retrait des mesures accommodantes. Une réduction des déficits publics est à prévoir, ce qui renforcerait la confiance des investisseurs. Toutefois une réduction trop rapide des déficits, comme au début des années 2010, pourrait s’avérer contre-productive (et menacer la croissance), un constat qui semble partagé par les autorités des différents pays.
- Les investisseurs peuvent néanmoins estimer que la hausse des taux n’est pas la bonne réponse pour lutter contre l’inflation. Si c’est la réponse traditionnelle, la situation est exceptionnelle. L’inflation est à ce stade portée par d’autres forces que les salaires, comme le prix de l’énergie et des tensions sur l’offre.
- Une hausse des taux consisterait en une charge d’intérêts plus élevée. Les pays devront afficher une croissance élevée du PIB réelle et amorcer le rééquilibrage des finances publiques pour y faire face.
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À long-terme, hausse des taux ou non, les inquiétudes portent davantage sur la trajectoire de l’endettement public :
- La stabilité de l’encours de la dette se fera-t-elle par la croissance du PIB et/ou par la baisse des déficits publics (donc de la dépense publique ou la hausse des prélèvements obligatoires). Restent-ils des marges de manœuvre aux pays les plus endettés en cas de nouveaux chocs (climatique, économique, énergétique…) ?
- Le maintien de la trajectoire de la dette doit pouvoir être compatible avec une stabilisation et même une réduction des inégalités sociales. Si elles débouchent sur des mouvements sociaux, cela peut faire réagir négativement les marchés et rendre un rééquilibrage difficile en pratique.
Soutenabilité de la dette, des divergences au sein de la Zone euro :
- Les pays du Sud de l’Europe, plus particulièrement l’Italie, ont vu leur endettement fortement augmenté avec la crise sanitaire. Ils devront consentir des efforts plus importants pour stabiliser plus rapidement leur déficit public voire dégager un excédent budgétaire (même si le cas italien démontre que cela ne peut être un objectif en soi).
- En France, le plan « France Relance » semble efficace. Des doutes subsistent tout de même quant à sa contribution dans la transition écologique. Investir dans les énergies peu carbonées est un moyen sûr et efficace de lutter contre les tensions énergétiques et pour redresser une balance commerciale déficitaire, qui alimentent par ailleurs dangereusement l’inflation.
- Les pays du Nord de l’Europe sont davantage inquiétés par la situation de leurs partenaires que par la leur. Leur solidarité avec les pays du Sud est clé pour maintenir la crédibilité de l’union économique monétaire, elle-même capitale pour aider les pays les plus endettés à stabiliser leur encours.